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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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l'agrément de donner à ce cher ami un traitement de deux cent mille francs.
    Éon fut, pendant l'entr'acte, ministre plénipotentiaire. Et en même temps (la fortune à ce moment l'accablait), il eut une commission très-secrète de Louis XV, pour observer , reconnaître , préparer un plan de descente (juin 1763). Versailles, contre l'Angleterre, couvait de sinistres projets, au moment du traité même. En 1764, lord Rochefort donna les détails d'un épouvantable plan que Choiseul aurait approuvé pour brûler Plymouth et Portsmouth (V. tout le détail dans Coxe ). Un tel acte, en pleine paix, le lendemain du traité, eût rendu la France exécrable; de plus, elle l'eût replongée (épuisée et impuissante) dans la guerre la plus terrible.
    Mais la grande affaire de Choiseul (j'entends la trinité Choiseul, de la Grammont et Praslin) c'était moins celle d'Angleterre que la sourde guerre qu'ils faisaient à leur maître Louis XV dans son plus intime intérieur.
    Ils avaient tout, le royaume, guerre, finances, administration, police, affaires étrangères. Le roi n'avait rien à lui que cette agence secrète, cinq ou six hommes en Europe, qui observaient, n'entravaient guère (ils n'auraient jamais osé). Les lettres publiées récemment étonnent par la timidité. Le roi, dit très-bien l'éditeur ( Boutaric , 1866), n'y cherchait «qu'un plaisir inquiet,» une petite joie maligne d'écolier à blâmer ses maîtres. Tout son refuge était là, et toutesa royauté, dans ce méchant secrétaire qu'on a mis au musée du Louvre. Il en portait la clef sur lui. Un matin pourtant il y trouve ses papiers dérangés, brouillés. Il frémit, se voit découvert. La Pompadour, enhardie par les Choiseul, avait osé lui prendre la clef dans sa poche et on avait eu le temps d'entrevoir, de fureter.
    Cette affaire de détruire l'agence, d'ôter au roi son secret, son dernier retranchement, leur semblait la question de la royauté elle-même. Il fallait un coup d'audace, frapper un agent du roi, et de façon que les autres vissent bien que sa protection ne pouvait couvrir personne. Effrayée, découragée, l'agence ne pouvait manquer de périr.
    Ils surent ou devinèrent qu'en juin le roi avait pris Éon pour agent à Londres. En août, ils lui envoyèrent un espion, un certain Vergy, homme de lettres comme Éon, qui avait aussi fait des livres. Éon le vit de part en part et il le mit à la porte. Les Choiseul furent furieux, et ils le furent plus encore quand Éon, ayant reçu de son ministre Praslin une lettre dure et méprisante, lui répondit fièrement, avec la verve légère, le mordant, l'emporte-pièce qu'on croirait de Beaumarchais. Une telle lettre, ostensible, semblait un défi de l'agence.
    On espérait qu'il viendrait se mettre dans la souricière, qu'on prendrait l'homme et les papiers, qu'encastré dans l'épaisseur des murs profonds de la Bastille on le ferait bien parler. On ne le paye plus. Il reste. Praslin le rappelle, il reste. Ce même jour, 4 octobre, le roi lui écrit que le roi a signé (non de sa main, mais d'une griffe) son rappel, qu'il doit rester,reprendre ses habits de femme, prendre abri dans la Cité; car il n'est pas en sûreté dans son hôtel, et ici il a de puissants ennemis . (Bout., I, 298).
    Cependant, du 4 au 15, le roi reprend un peu courage. Il s'adresse à Laverdy, le Contrôleur des finances, il lui fait écrire un billet qui au nom du roi invite Éon à continuer son travail. Puis, songeant que ce ministre n'a nul pouvoir sur Éon (qui est employé des Choiseul), par un vrai tour de Scapin, le roi (le 18 octobre) fait une lettre dans le même sens, y mettant le seing de Choiseul (par la griffe des bureaux?).
    Le vrai Choiseul cependant agissait tout au contraire. Bien loin de reculer devant l'intention du roi ( intention constatée dans la lettre de Laverdy ), par une pression odieuse, Choiseul et Praslin exigent que le roi signe une demande aux Anglais de livrer Éon , avec ordre d'envoyer main-forte pour qu'on s'en saisisse. Ordre à notre ambassadeur de s'emparer de ses papiers. Le même jour, 4 novembre, le roi avertit Éon: «Si vous ne pouvez vous sauver, sauvez du moins vos papiers.» ( Bout. , I, 302.)
    Cet ordre contradictoire pouvait faire un combat dans Londres. Éon réunit ses amis, les arme, s'arme jusqu'aux dents. Il calcule qu'il a tant d'épées, de sabres, de fusils turcs, qu'il peut résister longtemps.
    L'extradition est refusée. Croyez-vous que l'on s'arrête?

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