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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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elle ne donnait pas de signes de faiblesse. Les « affaires » du temps, celles de Calas, du chevalier de la Barre, de Sirven, de Lally-Tollendal, causes retentissantes que Voltaire plaida au nom de la justice et de l’humanité, n’eurent d’autres répercussions politiques que d’aider au discrédit des parlementaires par qui les condamnations avaient été prononcées. Choiseul fut renvoyé, les parlements cassés sans qu’il y eût seulement des barricades comme sous la Fronde. Quant aux autres plaintes, aux autres accusations, elles étaient de celles auxquelles bien peu de gouvernements échappent. Les réductions de rentes et de pensions, réductions si nécessaires, auxquelles Terray procéda sous Maupeou, furent appelées banqueroutes ; d’une disette et de spéculations sur les blés, sortit la légende du « pacte de famine » ; les favorites du roi, Mme de Pompadour et Mme du Barry, furent trouvées scandaleuses. Cependant il y avait eu à d’autres époques des moments plus graves pour la royauté, plusieurs fois chassée de Paris. Si des esprits sombres annonçaient des catastrophes, on ne distinguait nulle part les préparatifs ni le désir véritable d’une révolution.
    Gouverner est toujours difficile, mais ne l’était pas plus pour la monarchie à ce moment-là qu’à un autre. Quand on y regarde de près, la situation était plus complexe à l’extérieur qu’à l’intérieur. Louis XV avait encore accru le royaume de la Lorraine et de la Corse. Mais les deux guerres de Sept Ans avaient montré que le problème était de moins en moins simple. Il fallait conserver sur le continent les avantages que nous avait légués le dix-septième siècle, empêcher des bouleversements en Allemagne, nous méfier des ambitions de la Prusse. Cependant, avec l’apparition de la Russie, la question d’Orient prenait un nouvel aspect. La Turquie était menacée de démembrement ; la Pologne notre alliée nécessaire, était menacée de ruine (le premier partage est de 1772). Enfin nous avions à effacer les plus graves des effets du traité de Paris si nous ne voulions pas renoncer aux colonies et à la mer, au nouveau genre d’expansion que les grands peuples européens recherchaient, si nous ne voulions pas abandonner les océans et le monde à l’Angleterre Questions maritimes et coloniales, question d’Allemagne, question d’Orient : voilà ce qui va occuper le règne de Louis XVI et, par une grave faute initiale, le rappel des Parlements, provoquer le drame de 1789.

Chapitre 15 Louis XVI et la naissance de la Révolution
    Au moment où Louis XVI, à vingt ans, devient roi, il ne faut pas seulement regarder l’état de la France. Il faut regarder l’état de l’Europe. Cette Europe est sinistre. C’est un âge de grands carnassiers. Frédéric de Prusse et Catherine de Russie, une Allemande, ont commencé le partage de la Pologne auquel ils ont associé l’Autriche. L’Angleterre, digérant ses conquêtes ne pense qu’aux intérêts de son commerce et à garantir contre les concurrences sa suprématie maritime. Tel était le monde lorsque la plus grande partie des Français rêvait d’une rénovation de l’humanité et d’un âge d’or.
    Les différences des doctrines et des écoles n’empêchaient pas qu’il y eût en France un fonds commun d’aspirations et d’illusions. Il en est ainsi à toutes les époques, et le jeune roi n’eût pas été de la sienne s’il n’en avait, dans une certaine mesure, partagé les idées. On s’est souvent demandé ce qui serait arrivé si le duc de Bourgogne, l’élève de Fénelon, avait succédé à Louis XIV. Peut-être l’a-t-on vu sous Louis XVI. Les conceptions, d’ailleurs vagues, exprimées par le douceâtre Télémaque, qui étaient apparues aux dernières années du dix-septième siècle, mélange d’esprit traditionnel et d’esprit réformateur, celles que la Régence avait appliquées un moment avec ses conseils aristocratiques, ces conceptions s’étaient conservées dans la famille royale. Le vertueux dauphin, fils de Louis XV, y était attaché et Louis XVI avait été élevé dans ce souvenir. « Qu’ont donc fait les grands, les états de province, les Parlements, pour mériter leur déchéance ? » écrivait-il de sa main peu après son avènement, condamnant ainsi l’évolution poursuivie depuis 1660. Les mesures les moins intelligibles, à première vue, de son règne, ainsi quand le ministre de la

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