Histoire de France
à la fois. En 1792, la Révolution, pour s’achever, avait voulu la guerre. À tous les égards elle en avait vécu, elle s’en était nourrie. Elle n’en pouvait plus sortir sans s’arrêter. Mais déjà il ne dépendait plus d’elle d’en sortir. Elle en était prisonnière comme Napoléon en sera prisonnier, parce qu’elle avait provoqué un ennemi, l’Angleterre, qui était résolu à ne poser les armes qu’après avoir vaincu.
En 1795, après deux campagnes heureuses en Hollande et dans les Pyrénées, la Convention avait saisi l’occasion de conclure la paix avec la Prusse que, dans l’esprit du dix-huitième siècle, elle s’affligeait de combattre, espérant toujours l’avoir comme alliée. Elle avait également conclu la paix avec l’Espagne, la seule des puissances dont on pût dire qu’elle était entrée dans la lutte pour venger Louis XVI. La Prusse avait ce qu’elle voulait en Pologne, elle s’inquiétait des projets de l’Autriche et de la Russie en Orient. Pour reprendre sa liberté, elle signa le traité de Bâle et se désintéressa de la rive gauche du Rhin, moyennant compensation en Allemagne à son profit. Les Bourbons d’Espagne comprirent de leur côté qu’ils travaillaient uniquement pour l’Angleterre et se rapprochèrent de la France républicaine dans l’esprit de l’ancien pacte de famille. La Convention signa cette double paix en ajoutant qu’elle était un moyen de poursuivre avec plus d’acharnement la guerre contre les autres ennemis. Les hostilités continuèrent avec l’Angleterre et l’Autriche.
Cependant la Convention, qui avait aboli la dictature terroriste, qui avait condamné l’absurde constitution jacobine, se voyait obligée d’échafauder un gouvernement régulier et de recourir à des élections. Il était probable que ces élections n’étant pas jacobines, seraient dans un sens très modéré, sinon réactionnaire, et par conséquent favorable à la paix. La Constitution de l’an III essaya de reconstituer un pouvoir exécutif régulier en créant un Directoire de cinq membres et un pouvoir législatif équilibré, composé de deux assemblées ou conseils, celui des Anciens et celui des Cinq-Cents. Dans cette Constitution, la partie la mieux calculée était celle qui prévoyait que le Corps législatif ne serait élu que par tiers. L’ancienne Convention était donc sûre de garder quelque temps la majorité. Elle évitait les brusques déplacements d’opinions et fut libre de poursuivre la lutte contre l’ennemi extérieur, bien que les premières élections partielles eussent montré dans le pays un courant favorable à la paix.
Si pitoyable qu’ait été le gouvernement du Directoire, il n’est pas juste de lui reprocher d’avoir continué la guerre au moment où ses finances tombaient au dernier degré de la détresse. Cette détresse même persuadait l’ennemi qu’avec un peu de patience il viendrait à bout des Français. Il avait été fabriqué pour 45 milliards d’assignats tombés à rien. Le Directoire se décida à brûler solennellement la planche qui servait à les imprimer, mais, se trouvant sans ressources, remplaça ce papier-monnaie par un autre, les mandats territoriaux, qui eurent aussitôt le même sort. Si, quelques spéculateurs s’enrichissaient, les rentiers, les fonctionnaires mouraient de faim. Nos soldats, dont le nombre croissait par la conscription, n’avaient pas de souliers. Bientôt la misère allait favoriser la propagande socialiste et la conspiration de Babeuf. Il est donc naturel que le Directoire ait continué de concevoir la guerre comme un moyen de lever des contributions sur l’étranger et de trouver des ressources, et aussi qu’il ait appréhendé le retour, après une paix blanche, de troupes affamées et déguenillées, qu’il ait enfin approuvé le plan audacieux de Bonaparte, la conquête et le pillage de l’Italie. La destruction de la planche aux assignats, symbole de la banqueroute que la Révolution s’était flattée d’éviter, est du 19 février 1796. Le 22, Bonaparte recevait le commandement de l’armée des Alpes qu’il entraînait vers « ces riches provinces » où elle trouverait « honneur, gloire et richesse ». Bonaparte tint parole. Une campagne marquée par une série de victoires, Castiglione, Arcole, Rivoli, lui permit d’accomplir son programme. Désormais, il n’en changera plus. Il fera de ses batailles une source de profits. Pendant quinze
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