Histoire de France
loi du maximum, et la peur de la disette qui, disait Lanjuinais, restait « le levier des insurrections ». Après cette savante préparation, la Commune convoqua les troupes ordinaires de l’émeute. Le « général » Henriot, à la tête des sections les plus avancées de la garde nationale, cerne la Convention, pointe des canons sur elle, empêche les députés d’en sortir, leur prouve qu’ils sont à la discrétion de la Commune, leur impose la mise en accusation des Girondins. Robespierre avait tout machiné, Danton fut au moins consentant. Cette journée du 31 mai 1793, exact pendant contre la Gironde du 20 juin 1792 qu’elle avait organisé contre Louis XVI, humiliait l’Assemblée comme, un an avant, avait été humiliée la monarchie.
Par ce coup de force, les Jacobins, déjà maîtres de Paris, le deviennent du gouvernement qui se compose désormais du Comité de Salut public et de la Commune. Les Girondins, sauf trois ou quatre, s’enfuient, tentent vainement de soulever les départements. Ils trouveront, pour la plupart, une fin misérable dans le suicide ou sur l’échafaud. En octobre, le procès des Girondins, auteurs conscients et volontaires de la guerre à l’Autriche et à l’Europe, coïncida avec l’exécution de Marie-Antoinette, « l’Autrichienne ». Philippe-Égalité, Mme Roland, l’ancien maire Bailly, tous les personnages du drame, artisans du malheur des autres et de leur propre malheur, se succédèrent en quelques jours sous le couteau.
Par une surenchère continuelle, à force de patience et de démagogie, grâce surtout au maniement des clubs et de l’émeute, Robespierre était vainqueur. Après le 31 mai, il était le maître et tous ceux qui passaient, qui allaient encore passer par les mains du bourreau en attendant qu’il y passât lui-même, avaient contribué à l’amener au pouvoir. Mais dans quel état prenait-il la France ! De nouveau, nos frontières étaient ouvertes à l’invasion. Au printemps, l’enrôlement forcé de 300 000 hommes, ajouté à la guerre religieuse et à l’exécution de Louis XVI, avait définitivement soulevé la Vendée qui n’estima pas que la conscription et la caserne fussent des conquêtes de la liberté. Lyon et Marseille étaient en révolte contre les Jacobins. Pour leur échapper, Toulon se donnait aux Anglais. Dans ces circonstances épouvantables, la France était sans autre gouvernement que celui de la Terreur. Par la position démagogique qu’il avait prise contre les conspirateurs et les traîtres, par sa propension à en voir partout, Robespierre incarnait la guerre à outrance. La justification de la Terreur, c’était de poursuivre la trahison : moyen commode pour le dictateur d’abattre ses concurrents, tous ceux qui lui portaient ombrage, en les accusant de « défaitisme ». Par là aussi sa dictature devenait celle du salut public. Elle s’était élevée par la guerre que les Girondins avaient voulue sans que la France eût un gouvernement assez énergique pour la conduire. Brissot et ses amis avaient tiré un vin sanglant. Il ne restait plus qu’à le boire.
C’est ainsi, dans cette mesure et pour ces raisons, que malgré ses atroces folies, malgré ses agents ignobles, la Terreur a été nationale. Elle a tendu les ressorts de la France dans un des plus grands dangers qu’elle ait connus. Elle a contribué à la sauver ou plutôt à différer l’heure qui reviendra à la fin du Directoire, que Napoléon ler reculera encore, jusqu’au jour où il sera lui-même vaincu. Tout donne à croire que, dans l’été de 1793, la République eût succombé, que le territoire eût été envahi si l’Angleterre avait été prête, si elle avait soutenu les insurgés vendéens, si la Prusse, l’Autriche et la Russie n’eussent encore été occupées à dépecer la Pologne, victime substituée à la France, si elles n’eussent été distraites et divisées par la question d’Orient. Sans ce répit, la Révolution n’aurait pu écraser ses ennemis de l’intérieur. Les effets de la réorganisation militaire à laquelle se dévouait Carnot n’auraient pas pu se faire sentir et la levée en masse n’aurait été que la levée d’une cohue incapable de résister à l’effort d’une coalition.
Désespérée en juillet 1793, la situation se rétablissait en octobre par la victoire de Wattignies qui débloquait la frontière du nord. L’insurrection vendéenne reculait, l’insurrection
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