Histoire de France
et soutenait en Espagne le parti radical qui, de longtemps, ne devait cesser de troubler ce pays. La monarchie de Juillet était sage en s’opposant aux révolutions espagnoles, puisque c’était d’elles que devait sortir le prétexte, sinon la cause, de la guerre de 1870. Lorsque la France l’eut emporté, lorsqu’en 1846 la jeune reine Isabelle eut épousé le duc de Cadix et l’infante le duc de Montpensier, l’entente cordiale fut rompue.
Alors elle fut reprise, adoptée par l’opposition, puisque l’Angleterre se mettait à la tête des « pays libres ». Thiers, exaltant la politique qu’il reprochera à Napoléon III quelques années plus tard, flattait le sentiment public en se proclamant partisan de l’affranchissement des peuples. De cette campagne, où Thiers eut l’appui de républicains ; M. Émile Bourgeois a dit justement : « Les adversaires du cabinet Guizot n’aperçurent pas que, derrière le ministère, ils atteignaient la dynastie et la France surtout préparant une révolution européenne, plus dangereuse peut-être pour une vieille nation par le déchaînement des races que la coalition des peuples et des hommes d’État contre Napoléon. » La paix et la sécurité, c’est du côté de l’Autriche que la monarchie les chercha. L’alerte de 1840 avait révélé les vrais sentiments de l’Allemagne, et maintenant c’était le roi de Prusse qui, parlant un langage libéral, se mettait ouvertement à la tête d’un mouvement national pour l’unité allemande, le plus grand danger dont la France pût être menacée. L’Autriche était intéressée à ne pas laisser la Prusse dominer l’Allemagne, comme elle était intéressée, par ses possessions d’Italie, à ne pas permettre l’unité italienne, en faveur de laquelle un mouvement se dessinait aussi. Pour empêcher l’unité allemande, à laquelle l’Autriche, puissance germanique, pouvait s’opposer en se découvrant moins que nous, il fallait que l’unité italienne fût sacrifiée. Ce fut la politique sur laquelle s’accordèrent Metternich et Guizot.
L’Europe, en 1847, fut remplie de symptômes révolutionnaires accompagnés de l’éveil des nationalités, avant même qu’il y eût des signes de révolution en France. L’opposition reprocha au roi et à son ministre « de trahir, par une nouvelle sorte de Sainte-Alliance, les espérances et les vœux des peuples libres ». Ce que la monarchie de Juillet défendait, c’était surtout la paix. Mais où pouvait-elle trouver des partisans pour cette politique pacifique ? Dans les masses qui donnaient des soldats, et les masses étaient exclues du vote, leur influence ne comptait pas dans les affaires publiques. En même temps, une campagne commençait pour l’extension du droit de suffrage, droit réservé à la bourgeoisie riche, réclamé maintenant par les intellectuels, ce qu’on appelait les « capacités ». Attaqué tous les jours pour sa politique extérieure, ne regardant qu’une Chambre où il avait la majorité, Guizot ne se souciait pas d’accroître l’opposition par les voix de ceux qui représentaient particulièrement l’opinion libérale et belliqueuse. Il ne songeait pas à l’antidote, au suffrage universel, au concours qu’une politique de paix eût trouvé dans les masses paysannes. L’impopularité de Guizot auprès de la bourgeoisie et dans la population parisienne fut causée en premier lieu par son attitude à l’extérieur. Il l’accrut par son hostilité à la réforme électorale. Louis-Philippe ne consultant que la Charte, gardait un ministre que la Chambre ne renversa pas, comme Charles X, invoquant l’article 14, avait gardé Polignac. De même encore que la Révolution de 1830, celle de 1848 éclata et réussit par surprise, et ce furent aussi des bourgeois qui travaillèrent à la chute de la monarchie constitutionnelle, créée par eux à leur image. Une campagne pour la réforme électorale avait commencé sous la forme inoffensive de banquets où des paroles de plus en plus séditieuses étaient prononcées : Lamartine, à Mâcon, annonçait « la révolution du mépris ». Un de ces banquets, ayant été interdit à Paris, donna lieu à une manifestation que les chefs de la gauche, effrayés, s’efforcèrent vainement de prévenir : la foule parisienne leur échappait déjà. Cependant, contre l’émeute qui grondait, le gouvernement n’avait pas pris de précautions extraordinaires. Pour se
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