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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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dans tous les domaines, elle aima, elle exalta l’ordre et ce qui assure l’ordre : l’autorité. Du comédien Molière à l’évêque Bossuet, il n’y eut qu’une voix. C’est ainsi que, dans cette seconde partie du dix-septième siècle, la monarchie eut un prestige qu’elle n’avait jamais atteint.
    L’originalité de Louis XIV est d’avoir raisonné son cas et compris comme pas un les circonstances dans lesquelles son règne s’était ouvert et qui lui donnaient en France un crédit illimité. Il l’a dit, dans ses Mémoires pour l’instruction du Dauphin, en homme qui avait vu beaucoup de choses, la Fronde, les révolutions d’Angleterre et de Hollande : il y a des périodes où des « accidents extraordinaires » font sentir aux peuples l’utilité du commandement. « Tant que tout prospère dans un État, on peut oublier les biens infinis que produit la royauté et envier seulement ceux qu’elle possède : l’homme, naturellement ambitieux et orgueilleux, ne trouve jamais en lui-même pourquoi un autre lui doit commander jusqu’à ce que son besoin propre le lui fasse sentir. Mais ce besoin même, aussitôt qu’il a un remède constant et réglé, la coutume le lui rend insensible. » Ainsi Louis XIV avait prévu que le mouvement qui rendait la monarchie plus puissante qu’elle n’avait jamais été ne serait pas éternel, que des temps reviendraient où le besoin de liberté serait le plus fort. Désirée en 1661 pour sa bienfaisance, l’autorité apparaîtrait comme une tyrannie en 1789 : déjà, sur la fin de son règne, Louis XIV a pu s’apercevoir que la France se lassait de ce qu’elle avait appelé et salué avec enthousiasme et reconnaissance. Il avait prévu cette fatigue, annoncé ce retour du pendule, et, par là, il a été meilleur connaisseur des hommes que ceux qui prétendent qu’il a donné à la monarchie le germe de la mort en concentrant le pouvoir.
    Ce règne de cinquante-quatre années, si chargé d’événements au-dehors, ne compte au-dedans que deux faits, la condamnation de Fouquet au début et, plus tard, la révocation de l’Édit de Nantes. Deux faits d’accord avec le sentiment général, approuvés ou réclamés par l’opinion publique.
    Si un homme semblait devoir succéder à Mazarin, c’était le surintendant Fouquet, plus riche, presque aussi puissant que le roi lui-même. Fouquet avait édifié une immense fortune aux dépens des finances publiques, à l’exemple du cardinal qui avait au moins, pour excuse à ses voleries, les services rendus à la nation. Louis XIV, au lendemain de la mort de Mazarin, avait pris lui-même la direction des affaires, travaillant avec ses ministres, ne déléguant son autorité à aucun d’eux. Il redoutait le surintendant qui avait de grands moyens fmanciers, une nombreuse clientèle, un cortège de protégés, des amis partout, dans l’administration, dans le monde, chez les gens de lettres. De plus, Fouquet selon une habitude qui remontait au temps des guerres civiles, avait acquis à Belle-Isle un refuge, une place forte d’où il pouvait, en cas de disgrâce et de malheur, tenir tête au gouvernement. C’est ce dangereux personnage politique, aspirant au rang de premier ministre, que le roi voulut renverser. Ce serait le signe qu’il n’y aurait plus ni maire du palais ni grand vizir et que nul n’aurait licence de s’enrichir à la faveur du désordre et aux frais de l’État. La dissimulation et la ruse avec lesquelles Louis XIV procéda avant d’arrêter le surintendant montrent qu’il le craignait et qu’il n’était pas sûr de réussir. Fouquet brisé plus facilement qu’on n’avait cru, la chute, acclamée par la France, de cette puissance d’argent qui aspirait à la puissance politique : l’exemple fut retentissant et salutaire. Rien désormais ne s’opposa plus à Louis XIV.
    Vingt-cinq ans plus tard, le même courant conduisait, poussait à la révocation de l’Édit de Nantes. On ne saurait séparer cette affaire des autres affaires religieuses du même temps. Ce qui devint peu à peu persécution du protestantisme s’apparente étroitement aux conflits avec la papauté, conflits qui aboutirent à la fameuse déclaration des droits de l’Église gallicane, en 1682, tandis que la révocation est de 1685. Les contemporains étaient hantés par le souvenir des guerres de religion. En mémoire de la Ligue, l’autorité du pape, hors les choses de la foi, leur semblait

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