Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
le résultat de la
ligue du bien public ; elle ne changea rien au sort des
peuples, et le fou de François II l’appela le jeu du roi
dépouillé ; mais ce qu’il ne savait pas, et ce dont
Louis XI était convaincu, c’est qu’à ce jeu, tôt ou tard, qui
perd gagne.
Louis XI, voulant profiter du conseil de
Galéas Sforce, essaya de rompre l’alliance qui unissait le comte de
Charolais au duc de Bretagne. François II espérait bien
gouverner le duc de Normandie, qui, après avoir été son hôte dans
des jours néfastes, lui devait sa nouvelle grandeur. Il voulut
aller présider à son installation : le sage Tanneguy du
Chastel fit tous ses efforts pour l’en dissuader. Tanneguy avait
raison ; mais il s’aperçut que François II lui retirait
sa confiance, et crut à propos de prendre le chemin de ses terres.
Tout se passa comme l’avait prévu Tanneguy. Le duc accompagna son
protégé en Normandie ; à peine furent-ils à Rouen, que les
partisans de Louis XI répandirent le bruit que
François II voulait enlever le duc de Normandie. Le duc de
Bretagne, craignant pour sa sûreté, repartit pour ses États ;
mais à peine y était-il rendu, que Louis XI vint assiéger
Rouen, et s’empara sans obstacle de l’apanage de son frère de
Normandie, qui n’eut bientôt d’autre asile que la cour du prince
breton.
François II, revenu dans son duché,
travailla à augmenter ses forces pour être en état de résister au
roi, en cas que ce prince voulût l’attaquer, comme il avait sujet
de le craindre : il songea aussi à se fortifier d’alliances
étrangères. Il traita avec Édouard VII, roi d’Angleterre, qui
l’assura par des lettres-patentes qu’il vivrait toujours avec lui
en bonne amitié et intelligence réciproque. François II
négocia aussi avec Christiern I er , roi de Danemark,
qui s’engagea à lui fournir quatre mille hommes, soudoyés pour
trois mois, quand il les demanderait. Il fit un autre traité avec
le duc et la duchesse de Savoie, et avec Philippe de Savoie, comte
de Bugey et seigneur de Bresse.
Cependant, tous les grands, qui jadis avaient
rêvé l’affaiblissement de l’autorité du roi de France, rampaient
abattus à ses pieds. Charles le Téméraire, cet ennemi si redoutable
de Louis XI, n’était plus. Les bourreaux avaient fait justice
des plus obstinés rivaux du pouvoir royal. Le duc de Bretagne
résistait encore ; mais il était l’allié de l’Angleterre et
Louis XI n’osait l’attaquer ouvertement.
Antoinette de Magnelais, dame de Villequier,
nièce d’Agnès Sorel, gouvernait entièrement l’esprit du faible duc
de Bretagne et en disposait à son gré. Elle fit exiler Tanneguy du
Chatel, dont la franchise un peu rude l’avait irritée. La seule
personne qui balançât le crédit de cette femme vaine et altière
était le ministre Pierre Landais, auquel accordait, comme à elle,
une confiance illimitée. Ces deux êtres corrompus, liés par le
crime et l’infamie, avaient uni leurs efforts et se soutenaient
mutuellement. Pierre Landais, fils d’un tailleur de Vitré, s’était
insinué dans l’intimité du duc de Bretagne en l’approchant pour les
devoirs de son état et en lui rendant de honteux services.
Possesseur de tous les secrets du prince, il déploya dans quelques
affaires dont il fut chargé autant de finesse que d’habileté, et
fut récompensé par la charge de grand trésorier. Dès lors il se
montra hautain, superbe, avide et vindicatif. Il s’attacha comme
secrétaire Guillaume Guéguen, aussi adroit, aussi ambitieux que
lui, et qui devint bientôt par sa protection, président de la
chambre des comptes et conseiller en la chancellerie.
Vers ce temps-là François II envoyait de
fréquentes ambassades au roi de France, pour lui témoigner en
apparence sa fidélité et son attachement, mais en réalité pour
l’empêcher de soupçonner son alliance avec l’Angleterre.
Louis XI, qui connaissait les vrais sentiments du duc de
Bretagne à son égard, fut irrité de cette duplicité. Les envoyés de
François II, étant venus à cette époque trouver le roi, furent
très-mal reçus par ce prince, qui les fit arrêter et mettre
séparément en prison, où il furent très étroitement gardés. C’était
le chancelier de Bretagne Chauvin, le vice-chancelier, le procureur
général Kermeno et Poncet de la Rivière. Au bout de onze jours,
Louis XI fit venir Chauvin, dont il avait entendu parler comme
d’un homme de
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