Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
jours), et ce ne fut que
dix ans après qu’on l’en dédommagea par des terres, qui furent
ensuite enlevées à ses héritiers. Tanneguy du Chastel, mal reçu par
Louis XI, prit le parti de se retirer dans sa patrie, en
Bretagne, où l’accueillit honorablement François II, qui lui
conféra la charge de grand maître de son hôtel et celle de
gouverneur de Nantes.
Louis XI, à peine sur le trône, se
rappela que, tandis qu’il était dauphin et révolté contre son père,
il avait prié François II de lui prêter quatre mille écus, que
le duc lui avait refusés, et il crut que l’instant de se venger
était venu. Il prit pour prétexte d’un voyage en Bretagne un
pèlerinage à Saint-Sauveur de Redon. François comprit sur-le-champ
qu’il lui fallait recevoir un hôte dangereux ; il accueillit
le roi avec grâce, et déploya toute sa magnificence pour lui faire
honneur. Louis XI ne lui en témoigna sa reconnaissance qu’en
favorisant l’enlèvement de la veuve de Pierre II, la
bienheureuse Françoise, qu’il voulait unir au duc de Savoie, pour
troubler ensuite la possession de François II. L’entreprise
déloyale de Louis XI échoua contre la ferme résistance de
Françoise, et le roi dut se retirer, chargé de la haine du duc de
Bretagne ; mais il avait eu le temps de s’informer de ses
moyens et de ses forces, et de préparer des événements qui devaient
amener la ruine de son hôte, dont il convoitait le beau duché.
Louis XI profita du moment où les Anglais
menaçaient les côtes de Bretagne pour susciter à François II
une querelle qui le jetait, au dépourvu, dans les plus grands
embarras. Pendant que les Bretons ne songeaient qu’à repousser les
Anglais de leur territoire, le roi envoya à leur duc le chancelier
Pierre de Morvilliers, son affidé. Parmi de nombreux sujets de
plaintes relatives aux intrigues du comte de Charolais, depuis duc
de Bourgogne sous le nom de Charles le Téméraire et à ses liaisons
avec François II, le roi faisait un crime au duc de Bretagne
d’avoir fait battre des monnaies d’or sans sa permission ; de
se servir, en tête de ses actes, de la formule
par la grâce de
Dieu
; de surmonter l’écu de Bretagne d’une couronne, au
lieu d’un simple chapeau. Il lui signifiait expressément qu’il ne
voulait plus qu’il reçut à l’avenir l’hommage lige de ses
seigneurs ; il lui défendait d’imposer ses peuples sous
quelque prétexte que ce fut, prérogative qu’il se réservait
désormais à lui seul comme roi, etc. À défaut d’obéissance et de
prompte soumission, Louis XI déclarait la guerre à
François II,
se disant duc de Bretagne
.
Les états du royaume s’étant assemblés à Tours
au mois d’avril 1464, la guerre contre le duc de Bretagne fut
résolue. Le duc, consterné, demanda grâce, et proposa de traiter
avec le roi ; au fond, il ne voulait que temporiser.
Louis XI accorda le délai demandé ; il avait en ce moment
là des démêlés avec le comte de Charolais et le duc de Bourgogne,
et il ne voulait entrer en Bretagne qu’avec la certitude de n’être
pas attaqué par derrière. La ligue des grands vassaux de France
contre le despotisme de Louis XI venait de se former sous le
nom de
ligue du
bien public ;
François II d’après le conseil de Tanneguy du Chatel s’y fit
admettre ; il y fut accueilli à bras ouverts, et en fut
déclaré le chef. Le secret avait été si bien gardé, que
Louis XI, averti des levées d’hommes qui se faisaient de
toutes parts, les considérait comme des renforts destinés à son
armée. Quand il voulut prendre un pari, l’état des esprits
l’effraya ; partout on était en armes contre lui. Il eut alors
recours à ses expédients ordinaires ; il essaya par des offres
avantageuses, de séduire les ducs de Berri et de Bretagne, et de
diviser les conjurés ; il publia des manifestes apologétiques
et même un amnistie ; mais déjà le comte de Charolais
s’avançait vers Paris avec dix mille chevaux, et François II,
chef de la ligue, partait de Châteaubriant pour rejoindre le comte
sous les murs de la capitale. Louis XI, cerné de toutes parts,
se vit forcé de parler de paix. L’aîné des fils du duc de Milan,
Galéas Sforce, le politique le plus habile du siècle, lui fit
sentir qu’il fallait accorder tout ce que demanderaient les chefs
de la ligue, sauf à les rendre ensuite jaloux les uns des autres et
à les détruire par leurs propres mains. Tel fut
Weitere Kostenlose Bücher