Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
dépens de son honneur une si noire trahison, elle
devait employer pour une entreprise contraire les mêmes moyens qui
avaient été concertés par les ennemis. La demoiselle y consentit,
et lui expliqua quel était leur plan pour se faire introduire par
elle dans la place ; après quoi, ayant demandé à se retirer,
elle descendit, avec l’agrément de Guébriant, de la même façon
qu’elle était montée, et se rendit au camp des assiégeants. Là elle
joua si bien son rôle, qu’ils arrêtèrent que le dernier jour de
juin, jour auquel Henryaie devait commander à l’endroit de la
descente du fossé, la demoiselle de La Salmonaye monterait la
première, suivant la convention faite avec son frère, et donnerait
un signal. La demoiselle monta, et au signal qu’elle donna, un
officier monta après elle : celui-ci, ayant trouvé tout bien
disposé en apparence pour l’exécution de l’entreprise, cria à ceux
qui étaient dans le fossé : « Amenez-moi mon
cheval ; » c’était le mot convenu. Ils furent hissés l’un
après l’autre au nombre de soixante-sept, tous officiers. À mesure
qu’ils arrivaient sur le ravelin, on les faisait entrer un à un
dans une chambre, où ils étaient aussitôt arrêtés et désarmés.
Guébriant, avant de risquer davantage, envoya
un jeune homme en qui il avait beaucoup de confiance, et lui
recommanda de donner un nouveau signal dès qu’il serait monté, en
supposant qu’il n’y eût aucune supercherie. Le jeune homme monta et
ne donna point de signal. Les assiégés, voyant qu’il ne se
présentait plus personne pour monter, et se doutant de la
précaution, voulurent contraindre le jeune homme, le poignard sur
la gorge, à inviter Guébriant à monter lui-même ; mais il
déclara qu’il aimait mieux perdre la vie. Le Goust admira sa vertu,
et s’en tint à la menace. Les assiégeants, de leur côté, n’ayant de
sa part aucun nouveau signal, jugèrent qu’ils avaient été dupés par
la demoiselle. Elle resta dans la place, et dans la suite du siège
elle se comporta en soldat, mettant elle-même le feu aux
fauconneaux. Il y avait déjà deux mois que le siège durait, lorsque
le prince de Dombes arriva en Bretagne ; Guébriant s’imagina
alors qu’il allait avoir toute l’armée de ce prince sur les
bras ; l’épouvante se mit en même temps dans ses troupes, et,
comme elles se retiraient en désordre, elles furent vivement
poursuivies par les assiégés.
Tant que Henri III avait vécu, le duc de
Mercœur n’avait point fait éclater le dessein de se rendre
souverain de la Bretagne. Le prétexte de sa rébellion avait été la
vengeance du meurtre des Guise et la conservation de la religion
catholique. Mais après la mort de ce prince, son beau-frère et son
bienfaiteur, quoiqu’il n’eût pas le même reproche d’ingratitude à
se faire à l’égard du nouveau roi, il ne laissa pas de dissimuler
encore. La duchesse sa femme n’eut pas tant de modération ; on
dit qu’étant accouchée d’un fils, elle voulut qu’on le nommât le
prince de Bretagne ; il mourut l’année suivante. Non-seulement
Mercœur s’abstint de prendre le titre de duc de Bretagne, mais il
ne publia aucun manifeste à ce sujet. Sa plus grande ambition, on
le sut depuis, fut de conserver la religion catholique en Bretagne,
en préservant cette province de la domination d’un prince
hérétique.
Le prince de Dombes et le duc de Mercœur se
faisaient la guerre avec assez d’activité ; le premier prit
Hennebon d’assaut et enleva Quimperlé par surprise ;
Moncontour se rendit à lui. Mercœur attendait un secours de cinq
mille hommes que le roi d’Espagne lui avait promis. On ne pouvait
se dissimuler le danger qu’il y avait à introduire dans la province
les troupes d’un prince qui prétendait aussi y avoir des
droits ; ces sortes d’imprudences sont communes dans les
guerres civiles. Le roi d’Espagne et le duc de Mercœur s’étaient
ligués pour arracher la Bretagne à la France, en attendant le
moment de se disputer cette possession.
À peine débarqués sur un promontoire voisin de
l’embouchure du Blavet, les Espagnols s’empressèrent de s’y
retrancher, pour s’assurer un lieu de refuge et une communication
avec la mer. Les fortifications qu’ils y bâtirent firent comprendre
plus tard l’importance de cette position. À l’aide de ce renfort,
Mercœur mit le siège devant Hennebon, qu’il força de capituler.
Une assemblée des
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