Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
de Mercœur,
Henri IV était arrivé à Nantes ; et, lorsqu’il eut
parcouru cette belle ville, admiré sa situation et son port, visité
les fortifications et le château, il ne put s’empêcher de
dire : « Ventre-saint-gris ! les ducs de Bretagne
n’étoient pas de petits compagnons. » Ce fut là qu’il signa,
le 13 avril 1598, cet édit célèbre connu sous le nom d
’édit de
Nantes,
qui régla le sort et les droits des protestants en
France.
La paix de Vervins, qui fut conclue vers la
même époque entre la France et l’Espagne, assura le repos de la
Bretagne, et consomma définitivement la réunion de cette province à
la monarchie.
CHAPITRE XIII
La Bretagne depuis la fin du règne de Henri IV
jusqu’aux préliminaires de la révolution française.
(1598 – 1789)
En passant sous le sceptre des rois de France,
les Bretons ont subi le sort de tous les peuples agglomérés dans
cette monarchie. Ils ont cessé de former une nation pour faire
partie d’une vaste puissance dont on aurait peine à reconnaître
l’élément primitif. Dès ce moment la Bretagne n’a plus son histoire
particulière. Les événements dont elle s’est trouvée le théâtre
appartiennent à l’histoire de France, puisque ce n’est que par
l’histoire de France qu’on peut les expliquer. Par exemple, sous
Louis XIII, une conspiration, entre plusieurs autres, fut
tramée contre Richelieu par le jeune comte de Chalais, de la maison
de Talleyrand. Il en coûta la vie à ce seigneur, qui fut jugé par
une commission du parlement de Bretagne et décapité à Nantes. Les
soupçons de Richelieu s’étendirent jusque sur César de
Vendôme ; le cardinal l’obligea à démolir, à ses propres
frais, Guingamp, Lamballe, Moncontour, que la fille du duc de
Mercœur, sa femme, lui avait apportés en dot ; mais, pour le
dédommager de ce sacrifice, on lui fit payer, par la province, une
indemnité de trois cent cinquante mille livres.
Malgré ces exigences et bien des vexations, la
Bretagne resta fidèle à la monarchie pendant les guerres de la
Fronde. L’exemple de tant de villes soulevées, surtout en Guyenne,
ne put ébranler la loyauté des enfants de la vieille Armorique.
Aussi furent-ils autorisés à relever quelques forteresses, tandis
qu’on ne cessait d’en abattre partout ailleurs.
La fierté de Louis XIV eut à lutter
contre l’esprit d’indépendance qui distingua toujours les Bretons.
Ce prince suspendit les fonctions du parlement de Rennes ; et
pendant deux ans les sujets de cette province se virent obligés de
venir plaider à Paris. – L’impôt du tabac et l’établissement du
droit de timbre, non consentis par les états, occasionnèrent en
1675 une sédition générale, dont les premières étincelles
éclatèrent à Nantes. Le gouverneur, le duc de Chaulnes, voulut la
réprimer avec dureté : son orgueil fut humilié ; sa
sûreté même fut compromise dans des rixes sanglantes. Alors on
envoya des troupes qui écrasèrent la province, et des exécutions
innombrables amenèrent une soumission forcée. Les Bretons se
rachetèrent par une amende de trois millions.
Voici en quels termes, d’une légèreté souvent
cruelle, M me de Sévigné raconte ces drames
sanglants : « Nos pauvres Bas-Bretons s’attroupent
quarante, cinquante par les champs, et, dès qu’ils voient les
soldats, ils se jettent à genoux et disent :
Meâ
culpâ :
c’est le seul mot de français qu’ils
sachent ; on ne laisse pas de les pendre. Ils demandent à
boire et du tabac, et qu’on les dépêche ; et de Caron pas un
mot… M. de Chaulnes amène quatre mille hommes à Rennes
pour en punir les habitants. L’émotion est grande dans la ville, et
la haine incroyable dans toute la province contre le gouverneur…
Les pauvres exilés de la rivière de Loire ne savent point encore
leurs crimes… « M. de Chaulnes est à Rennes avec
beaucoup de troupes. Il a mandé que si on en sortait, ou si on
faisait le moindre bruit, il ôterait pour dix ans le parlement de
cette ville. Cette crainte fait tout souffrir…
M. de Chaulnes est à Rennes avec quatre mille
hommes : on croit qu’il y aura bien de la penderie.
M. de Chaulnes y a été reçu comme le roi ; mais,
comme c’est la crainte qui a fait changer leur langage,
M. de Chaulnes n’oublie pas toutes les injures qu’on lui
a dites, dont la plus douce et la plus familière était
gros
cochon,
sans compter les pierres dans sa maison et
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