Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
sept à huit cents, demandèrent à se retirer
par la Normandie ; mais dans leur marche ils furent attaqués
par les Ligueurs et réduits presque entièrement.
Le 17 septembre 1592, une escadre espagnole
débarqua des troupes dans le voisinage de Tréguier ; cette
ville, hors d’état de faire aucune résistance, fut prise, pillée et
brûlée en partie.
La discorde qui régnait dans Rennes portait un
grand préjudice aux affaires du roi. Le parlement mettait des
obstacles à toutes les levées de deniers que voulait faire le
gouverneur, tandis que les états de la Ligue, assemblés à Vannes,
fournissaient au duc de Mercœur un subside de six mille livres par
mois et un fonds de cent dix-sept mille quatre cent trente-six
livres. Pendant que le prince de Dombes se compromettait par des
abus de pouvoir et s’abandonnait aux plaisirs avec toute la fougue
de son âge, une conspiration se tramait pour livrer Rennes aux
Ligueurs. Le duc de Mercœur avait gagné un jeune homme nommé Jean
de Rieux, marquis d’Acérac, et celui-ci avait concerté son projet
avec le baron de Crapado et de l’Étang-Breilmarin : le
gouverneur, en ayant eu avis, fit sur-le-champ arrêter, juger par
un conseil de guerre et décapiter ces deux derniers. D’Acérac était
absent ; il échappa au supplice. Ces jugements militaires,
quoiqu’on n’en contestât pas la justice, excitèrent de violents
murmures contre le prince.
Mercœur soutint encore la lutte pendant six
années, quoique, dès le 25 juillet 1593, le roi eût embrassé la foi
catholique. Le retentissement de cette abjuration fut un coup
mortel pour l’ambition du duc de Mercœur. Après le sacre du
Béarnais, le duc, voyant que la partie était perdue, ne songea plus
qu’à mettre au plus haut prix possible sa soumission. Des
conférences eurent lieu à ce sujet à Ancenis ; mais les
prétentions du duc étaient telles que toute négociation cessa
sur-le-champ (1594).
« Cependant, dit un auteur du
XVII e siècle, en l’année 1597, le roi… se voyant
chargé d’autres affaires, et qu’il n’y avoit plus que le duc de
Mercœur qui fût sous les armes en Bretagne, et ne vouloit accepter
de lui aucunes conditions, quoique bien avantageuses (car il lui
offroit, outre la continuation de son gouvernement de Bretagne, la
main-levée de la confiscation ancienne du bien de Penthièvre), il
se résolut de le mener à la raison sans lui rien donner, et vint
avec une grosse armée pour devoir assiéger Nantes, où ledit sieur
de Mercœur avoit sa principale retraite. Son avant-garde étoit déjà
bien avancée sur la frontière de la province, et ledit roi jusques
à Angers. Le duc, ne se fiant pas trop aux Nantais, qu’il
connoissoit désireux de la paix et très-ennuyés de la guerre,
commença à s’étonner et à se repentir d’avoir si tard pensé à ses
affaires et négligé les bonnes offres que le roi lui avoit fait
faire… Il envoya donc la duchesse de Mercœur, avec sa fille, âgée
de six à sept ans, sa seule héritière, trouver le roi à Angers. La
capitulation fut que ledit duc se retireroit de Nantes avec tous
les siens, dans peu de jours, en ses terres de Lamballe, Moncontour
et Guingamp, le gouvernement de la province demeurant en la
possession de Sa Majesté, et en outre que ladite fille épouseroit
un prince du sang, auquel il donnoit pour héritage le duché de
Vendôme et le faisoit gouverneur de Bretagne…
« Ainsi il y eut fin à la guerre, qui
commença à s’éclore en 1585 et finit en 1597. »
Le rigide Sully blâma vivement Henri IV
de s’être laissé prendre si facilement aux larmes de la duchesse de
Mercœur. « Vous savez, lui répondit le roi, que je suis
pitoïable à ceux qui s’humilient, et que j’ai le cœur trop tendre
pour refuser une courtoisie aux larmes et supplications de ce que
j’ayme ; partant, n’en parlons plus. »
Mercœur, dans lequel les Bretons avaient cru
voir un instant le restaurateur de leur indépendance, quitta la
France et alla guerroyer contre les Turcs. Il se distingua dans ces
combats par les plus grands exploits ; il rendit son nom
redoutable aux infidèles, prit plusieurs villes, et les battit en
maintes rencontres. Il mourut à Nuremberg, comme il s’en revenait
en France, le 19 février 1602. Le roi lui fit faire des obsèques
magnifiques dans l’église Notre-Dame de Paris, et ce fut saint
François de Sales qui prononça son oraison funèbre.
Peu de jours après la soumission
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