Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
ville
retentit du même cri ; le sénéchal reprit les clefs des
portes, on rendit la liberté à ceux qui avaient été emprisonnés par
l’ordre de Mercœur, et tous les gens suspects furent chassés, entre
autres le célèbre Bertrand d’Argentré, historien de la Bretagne.
Bientôt l’on vit les royalistes accourir à Rennes de toutes
parts ; alors le parlement, reprenant sa première autorité,
écrivit au duc pour l’engager à faire cesser tout acte d’hostilité
et à licencier les compagnies de gens de guerre de la province,
suivant la volonté du roi. Il rendit enfin un arrêt qui déclara
Mercœur rebelle au monarque, et permit de le poursuivre ainsi que
tous ses adhérents.
La réduction de Rennes fut si importante pour
les intérêts du roi, que les états firent dans la suite frapper une
médaille d’or, où l’on voyait d’un côté les armes de Bretagne, et
de l’autre celles du sénéchal de Tiennes, principal auteur de cette
révolution, avec cette légende :
Ut olim de patria bene
meritis, sic et urbis liberatori patria contulit.
En effet, si Rennes fût demeurée sous la
puissance du duc de Mercœur, le parti du roi eût été absolument
ruiné en Bretagne, et le duc s’en serait entièrement rendu le
maître. Rennes fut, durant toute la guerre, la place d’armes des
royalistes, l’asile et la demeure des commandants que le monarque
envoya dans la province, et le lieu de la convocation des états,
qui s’y assemblèrent tous les ans.
Le duc de Mercœur se repentit, mais trop tard,
de s’être éloigné mal à propos d’une place aussi importante que
Rennes, pour une entreprise aussi peu sérieuse que la prise de
Fougères. Henri III voulut rappeler auprès de lui le duc, en
lui offrant de grands avantages ; mais le Ligueur, qui n’avait
pas oublié le sort des Guise à Blois, resta en Bretagne, persuadé
que la duchesse sa femme ne trouverait jamais une occasion plus
favorable de faire valoir ses droits sur le duché de Bretagne.
Henri III, ne pouvant ébranler Mercœur
par ses offres, se trouva très-embarrassé. Les principaux chefs
royalistes le sollicitaient vivement de venir en Bretagne, où ils
l’assuraient que tout se soumettrait s’il paraissait seulement sur
la frontière. D’un autre côté, le roi de Navarre, avec lequel il
venait de contracter alliance, lui fit écrire par Duplessis-Mornay
qu’il ruinait absolument ses affaires s’il allait en Bretagne, et
qu’il devait plutôt se résigner à perdre une province que tout son
royaume. Ce dernier avis fut suivi. Mais tandis que Henri III
délibérait, Mercœur avait profité de son irrésolution. Presque
toute la Bretagne avait embrassé la Ligue : Rennes,
Saint-Malo, Vitré, Malestroit, Josselin, Ploërmel, Montfort,
Châteaubriant, Guérande, Quimper et Brest seulement tenaient pour
Henri III ; encore Quimper penchait-il du côté de la
Ligue, dont cette ville prit hautement le parti dans la suite.
Toute la ressource du roi fut donc d’envoyer dans la province le
comte de Soissons pour y commander, et avec lui le comte de Vertus
et Lavardin, afin de fortifier son parti et de ranimer le zèle de
ses partisans. Il révoqua en même temps les lettres de gouverneur
qu’il avait accordées à Mercœur, et confirma l’arrêt du parlement,
qui l’avait déclaré rebelle.
Le comte de Soissons marcha vers la Bretagne à
la tête de quelques troupes et avec du canon : Mercœur résolut
de lui couper le chemin. À trois lieues de Rennes, le comte fut
attaqué par des forces supérieures dans le mauvais poste de
Châteaugiron, et dut se défendre jusque dans la chambre de la
maison où il s’était retiré avec plusieurs gentilshommes. On lui
criait en vain de se rendre, qu’il aurait la vie sauve : il y
consentit enfin, et demanda à être conduit au duc, qui reçut son
épée pour la lui rendre aussitôt. Cependant les communes du pays
qui avaient pris les armes en faveur du duc de Mercœur arrivèrent à
Châteaugiron le lendemain de cette action, et en attaquèrent le
château, où une partie des gens du comte et des habitants s’étaient
retirés. Les assiégés, avant d’avoir eu le temps de reconnaître les
assiégeants, les prenant pour des troupes réglées, capitulèrent et
obtinrent de sortir vie sauve et d’emmener leurs chevaux. Mais un
gentilhomme d’entre eux, en quittant le château, voyant que ceux à
qui ils s’étaient rendus n’étaient que de la milice, honteux
d’avoir
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