Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
retira à petit bruit vers la Loire, et Condé se mit peu
en peine de le poursuivre ; Mercœur, attaqué dans sa marche
par une troupe de cavaliers, perdit plusieurs soldats, une partie
de son bagage, le butin qu’il avait, et se réfugia en toute hâte
dans son gouvernement (1585).
Il n’y eut, le reste de l’année, d’autres
événements en Bretagne que la prise du château de Blin par Mercœur.
Le très-petit nombre de protestants qu’il y avait en Bretagne fut
cause que le calme régna dans cette province durant cette année et
les deux suivantes, alors que dans les autres provinces il y eut
tant de sang répandu.
Vitré était la seule ville de Bretagne où
dominât la religion prétendue réformée ; comme cette place
était très-importante, le duc de Mercœur, en 1588, tenta de la
surprendre. N’ayant pu y réussir, il s’en alla faire le siège de
Montaigu en Poitou ; mais le roi de Navarre s’étant avancé, il
fut encore contraint de se retirer après quelques escarmouches. Son
arrière-garde, entièrement enfoncée, prit la fuite, et, outre les
morts, laissa sur le champ de bataille huit drapeaux et cinq cents
prisonniers.
Le projet du roi de Navarre était de se rendre
maître de l’embouchure de la Loire et de celle de la Vilaine, par
la prise de Saint-Nazaire, de Guérande et du Croisic. Sur ces
entrefaites, le duc et le cardinal de Guise ayant été assassinés à
Blois, tout le parti de la Ligue, pour venger la mort de ses deux
principaux chefs, tourna ses armes contre Henri III, qu’on
accusait d’avoir ordonné ce meurtre. Elle déféra au duc de Mayenne,
frère des Guise, le titre de lieutenant-général de l’État et
couronne de France. La Bretagne devint alors (1589), comme les
autres provinces du royaume, le théâtre d’une guerre civile et des
plus affreux désordres. À la réserve de Rennes, de Nantes, de
Brest, de Saint-Malo, de Vitré et de quelques autres villes, tout
se déclara successivement pour la Ligue, surtout dans la basse
Bretagne, où le peuple est resté extrêmement attaché au
catholicisme. Dans le commencement, le duc de Mercœur ne leva point
l’étendard de la Ligue, quoiqu’il l’organisât secrètement par ses
émissaires ; il jugea à propos d’attendre la tenue des états
de la province, que l’on croyait devoir être convoqués à Vannes,
afin de s’y faire un plus grand nombre de partisans ; mais
cette ville s’étant déclarée pour la Ligue, les états ne s’y
assemblèrent point : il n’y eut même cette année aucune
assemblée d’états de la province.
Cependant, la duchesse de Mercœur ayant
surpris le château de Nantes, on commença à apercevoir les vues du
duc. La duchesse se déclara hautement contre le roi ; ayant
réuni les principaux habitants de Nantes, elle leur représenta le
péril de la religion catholique et celui de la ville en
particulier, où le roi de Navarre devait être bientôt introduit
avec ses troupes huguenotes, qui ne manqueraient pas de se porter à
tous les excès, déjà commis par elles dans tant d’autres villes. Le
discours de la duchesse fit impression sur plusieurs ; mais il
y eut des sujets fidèles au roi qui ne se laissèrent point
ébranler ; on prit les armes, et les rues furent barricadées.
Le parti de la Ligue ayant eu l’avantage, plus de quatre-vingts
partisans du roi furent mis en prison dans le château.
Le duc de Mercœur, après s’être ainsi assuré
de la ville de Nantes, forma la résolution de mettre aussi celle de
Rennes dans son parti, et il y réussit non sans peine et sans de
rudes combats livrés dans les rues et sur les places de cette ville
importante. Le duc, croyant sa puissance assez bien établie à
Rennes, en partit pour se saisir de Fougères. Il y entra sans
résistance et s’empara du château ; quelques jours après,
Sébastien de Rosmadec-Nolac, qui avait voulu se fortifier dans
Josselin, ville appartenant au vicomte de Rohan, un des chefs
protestants, fut sur le point d’être surpris dans la ville par
Saint-Laurent, maréchal de camp du duc de Mercœur, et n’eut que le
temps de s’enfermer dans la forteresse.
Ceux des habitants de Rennes qui étaient
royalistes, reprirent courage après le départ du duc de
Mercœur.
Le 4 avril, le sénéchal de la ville convint
avec les principaux de ceux qui étaient attachés au roi, que le
lendemain ils iraient par les rues, criant :
Vive le
roi !
L’entreprise réussit, et bientôt toute la
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