Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
cédé à de telles gens, en tua un d’un coup de pistolet.
Cette imprudence mit en fureur ces communes, et fut cause du
massacre de près de soixante-douze hommes, tant nobles que soldats,
qui furent passés au fil de l’épée. La défaite du comte de
Soissons, jointe à ce massacre, coûta la vie à quatre-vingts
gentilshommes : il y en eut soixante faits prisonniers, sans
parler du comte de Soissons, du comte de Vertus et autres. Ces deux
chefs furent conduits au château de Nantes, sous bonne escorte, par
le duc de Mercœur. Le roi remplaça le comte de Soissons par le
prince de Dombes, à peine âgé de dix-sept ans, celui-là même qu’il
avait dépouillé de la survivance du gouvernement de la province
pour en revêtir Mercœur. Au reste, le comte de Soissons ne fut pas
longtemps prisonnier. Au bout d’environ trois semaines, comme on
lui portait à manger de la ville, il fit un jour le malade afin
d’être servi dans sa chambre. Il mit un page dans son lit, et
s’arrangea si bien dans un des grands paniers dont on usait pour le
service de sa table, qu’il passa au milieu des gardes sans être
découvert, et se fit porter dans la ville, d’où il s’échappa sous
un déguisement, en se dirigeant vers Angers.
Sur ces entrefaites arriva la mort de
Henri III. Le duc de Mercœur envoya à Rennes le sénéchal de
Fougères pour annoncer que le roi avait été assassiné. Le
parlement, indigné de voir un magistrat se charger d’une pareille
mission, et venir de la part des Ligueurs pour exciter un
soulèvement, fit pendre l’émissaire le soir même de son arrivée, se
déclara pour le nouveau roi, et prêta serment à Henri IV le 22
octobre 1589. Le duc usa de représailles, et fit pendre à son tour
un juge de Laval qui était son prisonnier.
Cependant le changement de règne fit chanceler
dans leur fidélité quelques-uns des seigneurs opposés au parti de
la Ligue. Le parlement donna l’exemple de la fermeté dans les
principes en s’empressant de reconnaître Henri IV, sous la
condition que la religion catholique serait maintenue, et que le
nouveau roi serait supplié de l’embrasser.
Le prince de Dombes arriva à Rennes le 13
août, à la tête d’une nombreuse cavalerie, de six cents hommes
d’infanterie et d’une grande quantité de noblesse. Le duc de
Mercœur, ayant appris son arrivée, leva dès le lendemain le siège
de Vitré, qu’il avait déjà commencé. La présence du prince de
Dombes fit aussi lever le siège de Blin, château fort à six lieues
de Nantes. Mais il se passa à ce siège un événement singulier, que
nous ne devons pas omettre.
Pendant le siège de Vitré, la ville et le fort
de Blin furent surpris par les royalistes, commandés par Le
Goust ; le même jour les Ligueurs investirent la place, et dès
le lendemain l’attaque commença. Comme les assiégés se défendaient
avec vigueur, la duchesse de Mercœur, pour réduire la place, eut
recours à un stratagème. Elle gagna une demoiselle, parente de Le
Goust, nommée La Salmonaye, laquelle, ayant pris des instructions
de Guébriant qui faisait le siège, s’approcha des murailles et
demanda à parler à un capitaine de la place nommé Henryaie, qui
était son frère. En ayant obtenu la permission et s’étant avancée
sur la contrescarpe, elle lui dit, les larmes aux yeux, que leur
père et toute leur famille étaient cruellement persécutés à cause
du parti qu’il avait pris ; qu’elle avait été conduite
prisonnière à Nantes, et qu’elle s’était échappée pour venir mourir
avec lui. En parlant ainsi, elle gagna insensiblement le bord du
fossé et y descendit. On lui jeta aussitôt une corde avec un bâton
en travers, et elle eut la hardiesse de se faire enlever à
quarante-cinq pieds de haut. Pour mieux couvrir le jeu, les
sentinelles des assiégeants lui tirèrent quelques coups
d’arquebuse.
Cependant Le Goust, ayant soupçonné une
trahison de la part de Henryaie et de sa sœur, les fit arrêter l’un
et l’autre et interroger séparément. La demoiselle, intimidée par
les menaces, avoua que le duc de Mercœur avait promis de lui
donner, à elle et à son frère, et de garantir à leurs héritiers le
château de Le Goust, où le frère serait mis en garnison avec cent
hommes entretenus, sans compter dix mille livres pour la marier, à
condition que Henryaie procurerait la reddition de la place. Le
Goust lui répondit que, pour se venger de ceux qui lui avaient
conseillé aux
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