Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
dans son
jardin, et des menaces dont il paraissait que Dieu seul empêchait
l’exécution ; c’est cela qu’on va punir… La ruine de Rennes
emporte celle de la province… Cette province a grand tort ;
mais elle est rudement punie, et au point de ne s’en remettre
jamais. Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? Il y a à
présent cinq mille hommes, car il en est venu encore de
Nantes : On a fait une taxe de cent mille écus sur le
bourgeois, et, si on ne trouve pas cette somme dans vingt-quatre
heures, elle sera doublée et exigible par les soldats. On a chassé
et banni toute une grande rue, et défendu de les recueillir, sous
peine de la vie ; de sorte qu’on voyait tous ces misérables,
femmes accouchées, vieillards, enfants, errer en pleurs au sortir
de cette ville, sans savoir où aller, sans avoir de nourriture, ni
de quoi se coucher… Vous pouvez compter qu’il n’y a plus de
Bretagne, et c’est dommage. »
En 1685, la révocation de l’édit de Nantes
souleva les populations, amena de nouveaux troubles et partant de
nouvelles rigueurs.
Les guerres maritimes de ce règne attirèrent
plusieurs fois sur la Bretagne les efforts des ennemis de la
France. En 1693, les Anglais, jaloux de la prospérité de
Saint-Malo, essayèrent de détruire cette ville au moyen d’un
bâtiment chargé de poudre, qui heureusement fit explosion avant
d’être arrivé dans le port. L’année suivante (1694), la flotte
combinée d’Angleterre et de Hollande débarqua, dans le voisinage de
Brest, une troupe qui espérait surprendre cette place. Les
habitants, accourus sur le rivage, ne se contentèrent pas de la
repousser, ils l’environnèrent ; et une tempête ayant écarté
les vaisseaux, il n’y eut plus de moyen de retraite ; toutes
les troupes mises à terre furent massacrées ou réduites à se
rendre. Les armateurs de Brest et de Saint-Malo se vengèrent des
Anglais en allant détruire les établissements de cette nation à
Gambie, sur la côte d’Afrique, et dans l’île de Terre-Neuve. Le
brave Cassart, qui s’illustra par son courage, mais qui ne sut pas
corriger la rudesse de son caractère, trouva dans une prison d’État
la récompense de ses services. Duguay-Trouin surtout s’immortalisa
par la prise de plus de trois cents navires marchands, de vingt
bâtiments de guerre, et enfin de la ville de Rio-Janeiro.
Mais ces succès lointains n’empêchèrent pas
les calamités de la guerre de peser sur la France, de la mettre en
danger, et d’exiger des peuples de nouveaux sacrifices. Un impôt,
qui se percevait par tête sous le titre de capitation, fut établi
en 1695. La Bretagne fut taxée à un million sept cent mille francs,
dont cent mille sur la noblesse, et un million six cent mille sur
le reste de la population. Dans l’espoir d’éviter l’accroissement
de cet impôt, et surtout pour échapper à l’inconvénient des taxes
arbitraires, la province offrit de le payer par abonnement. Cet
arrangement fut accepté. Le roi s’engagea à supprimer cette
contribution aussitôt après la paix signée. En effet, elle cessa
d’être perçue en 1698, après le traité de Riswick ; mais on la
rétablit en 1701, à l’occasion de la guerre de la Succession, et le
prix de l’abonnement de la Bretagne fut doublé.
L’Armorique devait être encore, sous la
minorité de Louis XV, le théâtre d’événements non moins
douloureux que ceux dont nous avons fait plus haut le récit.
Philippe d’Orléans, régent de France, après avoir rompu d’abord
avec la politique du grand siècle, n’avait pas tardé à abandonner
les idées parlementaires et les théories de Fénelon, pour s’emparer
de la direction suprême et absolue du pouvoir. Un tel revirement ne
pouvait manquer de donner naissance à de graves événements. Le
parlement de Paris, qui depuis la Fronde avait vu chaque jour son
autorité décroître, avait embrassé avec ardeur le parti du régent,
non-seulement pour reconquérir, mais encore pour accroître sa
puissance. Les amis du duc d’Orléans avaient reçu l’ordre de
prodiguer les promesses à la magistrature ; ces promesses,
trop belles pour pouvoir être réalisées, avaient entraîné tous les
suffrages. On peut juger de la fureur de messieurs du parlement,
lorsqu’ils s’aperçurent que le régent, les avait joués. Toute la
magistrature des provinces partagea bientôt ces ressentiments. Les
mœurs infâmes du duc d’Orléans, tolérées à Paris,
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