Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
chaumières.
Les châteaux se divisaient déjà en deux camps : la majorité
des nobles se retirait du sein des villes ou protestait ; la
minorité s’associait ou feignait de s’associer au mouvement du
tiers, dans l’espérance de diriger le torrent en se jetant au
milieu de son cours. Le clergé protestait vivement. Quant aux
paysans, ils assistaient aux premiers combats de la noblesse et du
tiers avec une impassibilité remarquable. Ils attendaient, pour se
lever et pour agir, que la révolution les atteignît dans leur âme
et dans leur corps en attaquant leurs autels et leurs foyers, ces
éléments puissants de toute nationalité, et surtout de la
nationalité bretonne.
Ce fut à cette époque que le
club
breton
devint célèbre. Organisé depuis longtemps en Bretagne,
il s’était transporté à Paris dans la personne des députés du
tiers, des agrégés placés auprès d’eux par les communes, des
correspondants et des ambassadeurs, qui allaient et venaient
incessamment de la province à la capitale. Là, s’agitaient d’avance
les questions à débattre à l’Assemblée nationale ; là, se
rédigeaient les comptes rendus réguliers que les députés envoyaient
à leurs commettants ; là, toutes les sommités du tiers se
groupaient autour des Bretons, dont la position exceptionnelle
accroissait l’ardeur et l’influence. Chose bizarre, ces meneurs de
la révolution étaient encore présidés par le duc d’Aiguillon,
conquis par la peur et la haine aux idées nouvelles, dans ce
qu’elles avaient de plus exagéré et de plus dangereux. Plus tard,
le
club breton
s’appela le club des
Amis de la
Constitution,
et ce nom fut adopté par tous les clubs de
Bretagne. Enfin, il choisit pour lieu de réunion le cloître des
Jacobins, et fut ainsi l’origine de ce
club des Jacobins
qui domina si cruellement la Convention.
Non contente d’avoir doté la France des clubs,
la Bretagne lui inspira encore la première idée des
fédérations.
Dès l’ouverture des états généraux, un acte
fédératif avait été signé à Rennes, adopté par le prévôt général et
la maréchaussée, et solennisé aux éclats du canon dans le champ de
Montmorin, par les représentants de la plupart des villes. C’était
le prélude de la grande fédération de Pontivy. Cet acte célèbre fut
précédé dans la basse Bretagne, principalement à Lannion, par des
émeutes terribles. À la même époque, le parlement de Rennes,
dernier rempart des franchises bretonnes, s’écroula sous les
attaques réitérées du tiers ; l’arrêt qui supprima le
parlement de Rennes enterra les libertés de la province,
hélas ! déjà mortes depuis un an. Ainsi finit le célèbre
parlement de Bretagne ; il avait été le premier défenseur de
la dignité du pays, il en fut le dernier champion. Les autres
grands corps de la province s’étaient, pour ainsi dire, éteints
d’eux-mêmes, Depuis plus de six mois la cour des comptes
enregistrait silencieusement à Nantes les décrets révolutionnaires
qui devait aboutir à sa propre suppression.
Cependant la propagande révolutionnaire
commençait à effrayer les campagnes de l’Ouest : elles
refusèrent aux villes leurs provisions ordinaires ; les
paysans pillèrent un convoi de cent vingt tonneaux de grains qui
descendait d’Angers à Nantes, et ces deux grands centres allaient
être affamés comme Brest, si les volontaires, exécutant leur pacte
n’eussent forcé les paysans d’aller aux marchés (1790).
L’œuvre décisive de la Constituante fut la
suppression des anciennes provinces et la division de la France en
quatre vingt-trois départements. La Bretagne en comprit cinq :
la Loire-Inférieure, le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, les
Côtes-du-Nord et le Finistère. Mais la Bretagne, pas plus que la
Vendée, n’était mûre pour une telle révolution, ou du moins son
application y demandait une foule de ménagements et de concessions
qui échappèrent aux esprits absolus de l’Assemblée nationale. On
s’en aperçut bientôt aux élections des nouvelles municipalités.
Voyons par quelles circonstances les bienfaits du nouveau régime
municipal devinrent une persécution pour les Bretons et les
Vendéens ; car nous ne devons plus désormais les séparer dans
ce que nous dirons de la Révolution française.
En Bretagne, d’abord tout le monde avait été
loin d’approuver d’un accord unanime l’enthousiasme avec lequel les
représentants de la province
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