Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
s’ils étaient vaincus, ils trouvaient le même
avantage pour fuir. Ces soldats primitifs n’entendaient rien à la
retraite ; point de milieu à leurs yeux entre la victoire et
la déroute.
Le Vendéen n’avait rien du soldat
régulier ; il ne savait pas même faire une patrouille, ni
monter une garde. Même inhabileté dans les sièges, qui furent tous
mortels pour la Vendée. Enfin les combats nocturnes étaient la
terreur des plus intrépides. Les Vendéens étaient, dans toute
l’acception du mot, des hommes libres, se battant librement et
gratuitement pour une cause, et sous des chefs de leur choix.
« Le Vendéen, dit M. Crétineau-Joly,
garde son individualité jusque dans les camps. Il s’asseoit à la
table de son général. Il veut prendre sa part des conseils, bien
sûr de se présenter le jour où on fera appel à sa valeur. Dans
cette prétention, commune aux Bretons ainsi qu’aux Manceaux, il ne
faudrait pas chercher une trace d’orgueil. Le paysan de l’Ouest,
quand il se sait prévenu du danger, est plus sûr de lui.
L’incertitude inquiète son courage, et dans ses défiances il a
toujours une arrière-pensée qu’on peut le trahir. Libre et sincère,
il ne cache ni à lui ni aux autres la vérité. Si un gentilhomme a
faibli :
Ce que vous avez fait n’est pas beau pour un
noble,
lui avouent-ils dans leur rude franchise. On en a
entendu même dire à leur général :
Vous avez été un peu
lâche à tel choc.
Et personne ne peut taxer ces jugements
d’injustice ou d’irréflexion. Les volontaires ont vu, ont jugé
leurs officiers sur le champ de bataille. »
Comme le dit très-bien
M. Pitre-Chevalier, « le Vendéen est un géant, mais un
géant comme Antée, qui perd toute sa force en quittant le sol
maternel. » Une fois éloignés de leur clocher, séparés de leur
famille et privés de leur maison, les Vendéens ne formèrent qu’une
armée sans ordre et sans vigueur, décimée par la nostalgie, et,
d’efforts en efforts désespérés, ils aboutirent aux désastres de
Savenay, du Mans, de Dol et de Quiberon.
Mais il est temps de parler de Henri de La
Rochejacquelein et de Charette, les deux héros les plus populaires
et les plus opposés de l’armée vendéenne.
L’apparition de Henri de La Rochejacquelein
dans l’armée vendéenne n’eut lieu que le 14 avril 1793. – La
Semaine sainte avait rappelé les paysans aux devoirs de Pâques.
Pendant cette
trêve de Dieu,
le pays sembla calmé comme
par enchantement, et la Convention, croyant qu’elle n’avait plus
qu’à punir, se mit à discuter ses plans de vengeance. Elle
délibérait encore le lundi de Pâques, lorsque les Vendéens
reprirent les armes avec une nouvelle ardeur. Les magistrats
républicains de Bretagne et de Vendée rendirent aussitôt les
décrets suivants :
« 1°La Convention arrête que, huit jours
après la publication du présent décret, tout citoyen est tenu de
dénoncer et arrêter les émigrés, ses père et mère, et les prêtres
dans le cas de déportation, qu’il saura être sur le territoire de
la République. Les émigrés et les prêtres qui sont dans ce cas
seront conduits dans la prison du district, jugés par un jury
militaire, et punis de mort dans les vingt-quatre heures.
« 2°Les citoyens pris les armes à la main
seront livrés, dans les vingt-quatre heures, à l’exécuteur des
jugements criminels, et mis à mort après que le fait aura été
reconnu et déclaré constant par une commission militaire de cinq
membres, formée par les officiers des divisions employées contre
les révoltés. »
Dès lors les généraux républicains furent
traités comme les anciens capitaines carthaginois : on leur
imposa la victoire ou la mort. Le vieux Marcé, battu par Sapinaud
et Royraud, fut réservé pour la guillotine, où il monta l’année
suivante. On lâcha sur le Bocage les brigands connus sous le nom de
Vainqueurs de la Bastille. En même temps
arrivaient à l’armée républicaine ces conventionnels besoigneux,
dont l’insolence égalait la lâcheté. Dès leur premier début, les
vainqueurs de la Bastille furent chassés de Coron par les bourgeois
et les femmes, et reculèrent neuf contre un devant quelques paysans
conduits par Jean Brunet. La défaite de Chemillé apprit aux
commissaires de la Convention ce qu’étaient les Vendéens. Ici
cependant la trahison servait la République : l’artilleur
Bruno déchargea les pièces pendant la nuit, et les
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