Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
après
l’autre dans vos chaumières…
Ce que vous venez de faire exige
une suite. »
À ces mots les jeunes gars se rangent autour
du voiturier Cathelineau : ils sont vingt-sept aujourd’hui, et
n’ont que des bâtons ; dans trois mois ils seront vingt mille,
et assiégeront Nantes, sous les ordres du généralissime
Cathelineau. – Telle fut l’héroïque simplicité de l’insurrection
vendéenne.
Cathelineau et ses compagnons, recrutant des
forces de métairie en métairie, arrivent le 14 mars à la
Poitevinière. Le tocsin sonne de clocher en clocher : à ce
signal, tout paysan s’arme de ce qui lui tombe sous la main, fusil,
bâton, faux, fait sa prière et court rejoindre ses frères.
On attaque le château de Jallais, défendu par
la ligue et la garde nationale de Chalonnes, sous les ordres du
médecin Rousseau. Celui-ci croit les réduire en faisant braquer sur
ces hommes indisciplinés une pièce de six ; mais les
intrépides Vendéens improvisent la tactique qui leur donnera tant
de victoires : ils se jettent tous spontanément contre terre,
laissent passer la mitraille, se relèvent, et, prompts comme la
foudre, enlèvent la pièce et ceux qui la servent. Ils imposent
aussitôt à ce premier trophée le nom de
Missionnaire.
Puis
ils surprennent Chemillé, où ils saisissent encore trois canons et
des fusils. Là, de nouvelles recrues arrivent à Cathelineau. Les
mêmes scènes se passaient en même temps sur tous les points de
l’Anjou et du Poitou, et exaspéraient au dernier point le
républicanisme des cités, qui était impuissant à réprimer ces
premiers succès des paysans.
À Maulévrier, le garde-chasse Stofflet, homme
résolu, armait douze cents paysans. Tonnelet, autre garde, en
réunissait cent cinquante, et leurs rangs se grossissaient des
insurgés de Mauves, chassés par la garde nationale de Nantes. Les
gens de Pouzauges et des alentours forment une petite armée,
mettant à leur tête MM. de Sapinaud, de La Verrie et
Royraud, et livrent à Saint-Vincent une bataille en règle aux
bleus : là, comme à Jallais, les canons sont enlevés à coups
de fourche. Tout le centre du Bocage, tout le pays de Fontenay à
Nantes, sont en armes sous les ordres de Béjarry, de Verteuil et
autres châtelains.
Le 15 mars, Stofflet, Tonnelet et Forêt
s’unissent à Cathelineau pour attaquer Chollet ; le combat
dure cinq heures, au bout desquelles les Vendéens entrent en
vainqueurs dans la place. De là Cathelineau court à Vihiers
repousser les gardes nationales de Saumur, et leur enlève un
magnifique canon, que ses soldats surnomment
Marie-Jeanne.
Le conseil de Maine-et-Loire, épouvanté, demande à la Convention
nationale
un tribunal d’abréviation, pour faire tomber les
têtes des conspirateurs ;
mais toutes les mesures de
rigueur ne font que donner des ailes à l’insurrection. Elle
s’étend, comme une traînée de poudre, de la Loire à la mer ;
et la Convention, n’ayant pas de soldats pour la combattre, vote
deux millions pour la corrompre.
On voit combien l’insurrection de l’Ouest fut
populaire et libérale : le choix des nobles qui la
commandèrent n’est qu’une preuve de plus de cette vérité.
Cathelineau avait dit dès le principe : « Nous sommes
aussi braves que les gentilshommes, mais ils sont plus savants que
nous ; c’est à eux de nous diriger. » Aussitôt chaque
village courut prendre pour chef le seigneur du manoir le plus
proche. Les gentilshommes, qui avaient vu échouer le complot de La
Rouërie, ne purent croire d’abord au succès des paysans. Tous, ou
presque tous, refusèrent donc, dans les premiers temps, de s’y
associer ; et ce fut par dévouement qu’ils cédèrent à cette
voix du peuple, où ils ne reconnaissaient pas encore la voix de
Dieu.
M. de Sapinaud, un des premiers
chefs de la Vendée centrale, ayant été presque enlevé à sa famille
par les villageois pour être leur commandant, hésitait à se mettre
à leur tête ; mais ce fut en vain : « Que
m’auriez-vous fait, leur dit-il plus tard, si j’avais refusé de
vous conduire ? – Je vous aurions tiré un coup de
fusil, » répondit un de ces Spartiates chrétiens. C’est ainsi
que MM. de Charette, de La Rochejacquelein, de Lescure,
d’Elbée, de Bonchamps, etc., passèrent à l’improviste de la
retraite au champ de bataille. Toutes ces nobles têtes, dont nous
regrettons de ne pouvoir au moins esquisser les traits, étaient
dominées par la
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