Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
plus
horribles cruautés ; il fit tonner la voix des prêtres contre
ses paysans assassins, et donna son propre château pour asile au
républicain Bourrier, poursuivi par Souchu. Il garda en personne
les captifs désignés par cet homme sanguinaire à ses bourreaux.
Enfin il le fit juger militairement, et un sapeur lui fendit la
tête de deux coups de hache.
Les premières tentatives de Charette pour
défendre le pays contre le progrès des armées républicaines ne
furent pas heureuses. Ses paysans l’abandonnèrent sur un champ de
bataille, et quelques-uns même essayèrent d’attenter aux jours de
cet homme de fer. Il se vengea enfin des bleus à Legé et à
Sainte-Pazanne, à Saint-Colombin, où il en écrasa douze cents le 6
mai, et à Machecoul, où l’ancien régiment de Lamark passa aux
Vendéens avec armes et bagages. À force d’audace et de
persévérance, il ramena la victoire sous les drapeaux
royalistes.
« Tout va mal, écrivait Canclaux à la
Convention. Nos volontaires refusent le combat ou se font battre
honteusement. Les enfants de Paris ont seuls l’enthousiasme
national. Les patriotes de ces provinces ne l’auront que lorsqu’on
leur accordera de brûler les châteaux et de confisquer les terres à
leur profit. Il faut leur offrir ce stimulant, qui leur permettra
de se dévouer à la France. » Ce fut alors que la révolution,
ne pouvant triompher par l’autorité, organisa publiquement la
Terreur. Déjà, depuis un mois, les prisonniers blancs étaient
fusillés à Nantes, et la guillotine fonctionnait avec une
redoutable activité. Les délations pleuvaient de toutes parts et
multipliaient les victimes. Les tribunaux révolutionnaires des
chefs-lieux étant insuffisants, on en établit dans les moindres
villes, telles que Savenay et Paimbœuf. On déclara les habitants de
chaque commune responsables de tous les actes
contre-révolutionnaires dont ils ne livreraient pas les auteurs à
la justice. – À ces lâchetés, la Vendée catholique répondit par de
nouveaux exploits.
L’armée d’Anjou s’avançait en grossissant
comme une marée montante ; elle assiégea l’importante place de
Thouars le 6 mai, le jour même de la victoire de Saint-Colombin. Le
7, la ville était cernée par quatre côtés à la fois :
Donnissan, Marigny, Cathelineau, Stofflet, d’Elbée, Lescure, La
Rochejacquelein et Bonchamps bloquaient la place. Deux fois la
poudre leur manque… Après des efforts inouïs et une égale bravoure
des deux parts, les assiégés se rendirent. Mais le plus beau
triomphe des Vendéens fut de se vaincre eux-mêmes, en épargnant les
habitants de Thouars, qui naguère s’étaient livrés, dans leurs
campagnes, aux brigandages les plus impitoyables. Toutes les
représailles des vainqueurs se bornèrent à faire un feu de joie des
habits bleus, des drapeaux tricolores et des archives du district.
Cinq mille prisonniers furent élargis sans rançon ; un grand
nombre d’entre eux entrèrent avec enthousiasme dans les rangs
vendéens. Les chefs signèrent de leur main des sauf-conduits pour
tous ceux qui avaient combattu contre eux. La révolution s’arma de
ces généreux passe-ports comme d’autant de preuves de rébellion, et
elle jeta dans les cachots les parents de tous ceux qui les avaient
accordés.
Les Vendéens ne surent pas profiter de leur
victoire ; ils perdirent deux jours à Thouars, et après avoir
enlevé difficilement La Châtaigneraie, une grande partie étant
retournés chez eux, de vingt mille qu’ils étaient d’abord, ils
n’arrivèrent plus que de sept à dix mille à Fontenay (16 mai), où
ils furent complètement battus. Ils y laissèrent deux cents
prisonniers et
Marie-Jeanne,
dont la perte les découragea
encore plus que leur défaite. Rien ne put arrêter la dispersion
générale : toute l’année s’écoula comme un torrent, et les
chefs se trouvèrent seuls avec quelques volontaires.
Alors Cathelineau se fait missionnaire, il va
de ferme en ferme rallier les paysans : « Vous aviez
pillé à La Châtaigneraie, leur dit-il, le bon Dieu vous a punis à
Fontenay. Mais il faut reprendre
Marie-Jeanne.
Rendez-vous
dans huit à jours à Châtillon-sur-Sèvre. La victoire nous y
attend ! » Et, au jour dit, trente-cinq mille Vendéens se
retrouvent sous les armes. Tous jurent de mourir ou de reprendre
Marie-Jeanne.
Ils n’ont que leur courage, avec quelques
vieux fusils de chasse et leurs faux à l’envers. « Allons, les
gars,
Weitere Kostenlose Bücher