Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
grande et populaire figure de Cathelineau, entouré
de ses quarante-deux parents. Ce paysan de génie était la complète
incarnation de la Vendée.
Les premières armes des Vendéens furent les
bâtons qu’ils avaient pris pour se rendre au tirage. Une fois en
pleine révolte, ceux qui possédaient des fusils de chasse les
avaient saisis ; ceux qui n’en avaient pas prirent des
fourches, emmanchèrent des faux à l’envers, se firent des sabres
avec des faucilles, et attendirent ainsi que la défaite des bleus
leur procurât des armes régulières. Ils allaient au combat en
disant à haute voix le chapelet, qui ne quittait jamais leur
bras ; une haute piété régna toujours dans la grande armée
proprement dite. « Tout ce qu’on a dit et écrit du courage
vendéen (c’est un républicain qui parle) est croyable pour
l’observateur qui habitait le pays. » Le Vendéen, muni de
l’absolution, courait à la mort comme à une fête, bien sûr d’aller
droit au ciel. Les paysans s’organisaient par compagnies et par
clochers. Chaque compagnie choisissait son capitaine par
acclamation ; c’était d’ordinaire le paysan connu pour le plus
fort et le plus brave ; tous lui juraient obéissance, à la
vie, à la mort. Ceux qui avaient des chevaux formaient la
cavalerie ; ceux qui n’en avaient pas se réservaient d’en
prendre aux bleus ; ainsi des fusils, des pistolets et des
sabres. Parmi ces soldats il y avait moins de souliers que de
sabots, et ces derniers manquaient souvent : n’importe. Chacun
attachait à sa boutonnière, à côté du chapelet et du sacré-cœur, sa
cuiller de bois ou d’étain.
Bien peu de chefs parvinrent à équiper
régulièrement un corps complet ; M. de Bonchamps fut
peut-être le seul. Ses chasseurs, après la prise de Saumur,
portaient l’habit vert fleurdelisé, le pantalon blanc, le gilet
blanc, les revers blancs et les épaulettes vertes. Mais cet
uniforme ne dura pas longtemps ; les paysans lui préféraient
leur costume journalier, plus ou moins rapiécé, plus ou moins en
guenilles.
« Généralement, dit un auteur moderne,
les compagnies vendéennes offraient le coup d’œil le plus étrange
et le plus disparate : c’étaient des chevaux et des hommes de
toutes tailles et de toutes couleurs, – des selles entremêlées de
bâts, – des chapeaux, des bonnets et des mouchoirs de tête, – des
reliques attachées à des cocardes blanches, – des cordes et des
ficelles pour baudriers et pour étriers, – des étendards et des
épaulettes républicaines pendues à la queue des chevaux, etc., etc.
Les victoires amenèrent l’abondance des armes et des munitions sans
rien changer au désordre de la tenue.
« Les chefs n’avaient guère plus de
coquetterie. Les capitaines de paroisse n’ajoutaient à leur costume
villageois qu’un long plumet blanc, fixé à la Henri IV, sur le
bord relevé de leur chapeau. Les officiers gardèrent leur premier
habit de gentilhomme tant qu’il dura ; mais la plupart
négligèrent de le renouveler, et le remplacèrent par tout ce qui
leur tomba sous la main. Un adjudant-général de la république,
introduit dans les bois de Vesins, refusa de reconnaître
M. de La Rochejacquelein sous sa veste de bure et son
bonnet de laine, avec son bras en écharpe dans un grossier
mouchoir. On vit le chevalier de Beauvallier aller au feu en robe
de procureur. Quand M. de Verteuil se fit tuer, il
portait deux cotillons de serge grise, l’un attaché au cou, et
l’autre à la ceinture. M. Royer avait un turban et un habit
turc, dépouille d’un acteur ambulant. »
L’antiquité n’offre rien de comparable à tant
de simplicité unie à tant d’héroïsme.
Les prêtres bénissaient les armes, ils
ramenaient les fuyards au combat en leur montrant le crucifix, et
ils assistaient héroïquement les blessés jusque sous la gueule des
canons. Les femmes partageaient avec eux ce rôle de dévouement.
La tactique des Vendéens est devenue célèbre.
Pendant que leur avant-garde attaquait l’ennemi de front, tout le
corps d’armée l’enveloppait en se dispersant à droite et à gauche.
Ce cercle invisible se resserrait en tiraillant à travers les
haies, et si les bleus ne parvenaient point à se dégager, ils
périssaient tous dans quelque carrefour ou dans quelque chemin
creux. On conçoit quel était l’avantage des indigènes dans ce
labyrinthe fourré du Bocage, dont eux seuls connaissaient les
détours ;
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