Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
du clergé, mais sans lui opposer d’autres armes que la
fidélité à leurs croyances. Ils tournèrent le dos aux curés
constitutionnels, mais sans les maltraités comme en basse
Bretagne ; ils recueillirent et cachèrent leurs prêtres
proscrits, et allèrent entendre leur messe et recevoir leur
bénédiction dans les genêts, mais sans leur former un rempart de
leurs corps et de leurs fusils, comme les Morbihannais.
Tous les soulèvements qui précédèrent celui de
1793 manquèrent en effet d’ensemble et de suite. Ainsi, près de
Bressuire, le 24 août 1792, le poêlier-maire Delouche, après avoir
incendié le district de Châtillon, lance une masse de paysans
contre les gardes nationaux des villes voisines.
Ces malheureux sont facilement mis en pièces,
et leurs vainqueurs emportent au bout de leurs baïonnettes des
oreilles, des nez et des mains sanglantes. Comment les plus
paisibles Vendéens eussent-ils souffert de telles atrocités sans
représailles ? – Joly, chirurgien de Machecoul, venge aux
Sables-d’Olonne les victimes de Bressuire. Près de la Garnache et
de Beauvoir, le perruquier Gaston revêt l’habit d’un officier qu’il
tue, et conduit les Maraîchins au carnage. Dangy, de Vue, se rue
sur Pornic. Mais Souchu surtout, le féroce Souchu, ravage le bas
Poitou. Cet homme était un bandit qui exploitait au profit de sa
rage personnelle le mécontentement des Vendéens. Enfin parut la loi
du recrutement, accompagnée des tribunaux criminels ; et, en
présence de cette suprême raison de la tyrannie révolutionnaire,
toute la Vendée se lève avec la chouannerie, au même cri de
ralliement : « Puisqu’il faut mourir, mourons au pays, et
mourons pour la liberté de nos consciences et de nos
foyers ! »
Depuis que la levée des trois cent mille
hommes était décrétée, les jeunes
gars
vendéens se
demandaient entre eux s’ils tireraient à la milice. « Non, fut
leur réponse unanime. Mieux vaut mourir au pays qu’à la
frontière ! » Ce fut le 10 (ou le 13) mars qu’ils se
rendirent dans les districts pour voir les listes d’enrôlement.
Cette journée se termina par des menaces et des injures. Mais on
apprit, dans la nuit, que les patriotes faisaient demander des
secours dans les villes. On assura même que le district de
Machecoul avait fait fabriquer un grand nombre de menottes pour
emmener à la frontière les jeunes gens attachés deux à deux. À
cette nouvelle, le tocsin sonne de toutes parts, les campagnes
retentissent du cri de
vengeance,
etl’on se porte en masse
aux chefs-lieux, où l’on brûle tous les papiers, sans en excepter
les registres de l’état civil.
Ce qui se passa le 10 mars à
Saint-Florent-le-Vieil donnera l’idée de toute l’insurrection
vendéenne. – Les commissaires du district étaient assemblés dans la
chapelle des Bénédictins, dont on avait fait l’église paroissiale
en attendant qu’on la brûlât. À la porte, une coulevrine chargée à
mitraille menaçait les jeunes gars qui refusaient de venir tirer.
Ceux-ci arrivaient par bandes sous la gueule du canon, avec leurs
parents, leurs fiancées et leurs amis ; leurs rangs
grossissaient d’heure en heure sur la place ; mais pas un ne
se rendait à l’appel qui les réclamait. « Venez tirer, ou vous
allez mourir ! » hurle un commissaire. « Plutôt
mourir ! » répond un jeune gars. Un coup de canon part et
laboure les rangs des conscrits. Mais déjà tous se sont rués sur la
pièce, et dispersent, ou assomment avec leurs bâtons, artilleurs et
commissaires.
Ils se retiraient le soir, croyant tout fini,
lorsqu’ils rencontrèrent Jacques Cathelineau, pauvre marchand
colporteur de laine, père de cinq enfants, humble, sage, vénéré du
pays entier comme un saint, oracle et arbitre aimé sur tous les
champs de foire d’alentour. Cathelineau venait d’apprendre la
révolte de Saint-Florent, au moment où il pétrissait son
pain ; aussitôt il avait endossé sa veste et volait au secours
de ses frères, lorsqu’il aperçut les jeunes gens qui s’en
retournaient chez eux. À l’instant, cet homme de génie en sabots
devina sa vocation et celle de son pays.
« Que comptez-vous faire maintenant, mes
amis ? demanda-t-il aux villageois.
« – Nous tenir tranquilles et reprendre
nos travaux.
« – Alors vous allez tous
mourir !
« – Comment cela ?
« – Les gendarmes que vous avez battus ce
matin vont venir demain vous prendre ou vous tuer l’un
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