Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
suprême de la Vendée ; il ne fut pas le moins
glorieux. Le combat s’ouvre dans la boue, sous une pluie
pénétrante ; les Vendéens chargent les premiers avec une telle
vigueur, qu’ils font reculer les bleus. Ces derniers n’ont plus de
poudre, la crosse de leurs fusils devient un assommoir terrible.
L’armée des blancs était dispersée sans retour ; Westermann et
Carrier se chargèrent de l’exterminer en détail.
L’histoire de la grande guerre se termine ici.
Voici ce quele général Beaupuy écrivait à Merlin (de Thionville),
le lendemain de la bataille de Savenay : « Enfin, mon
cher Merlin, elle n’est plus, cette armée royale ou catholique. Des
troupes qui ont battu de tels Français peuvent se flatter de
vaincre tous les peuples de l’Europe réunis contre eux seul. Cette
guerre de paysans, de brigands, qu’on affectait de regarder comme
si méprisables, m’a toujours paru pour la république, la grande
partie ; et il me semble à présent qu’avec nos autres ennemis
nous ne ferons plus que peloter. »
C’était vrai, et ces lignes, dont on ne peut
suspecter l’authenticité, sont selon nous le plus bel éloge de la
valeur et de l’héroïsme vendéens.
CHAPITRE XVII
La Terreur en Vendée. – Carrier à Nantes. – Réaction
thermidorienne. – Traité de la Jaunais. – Hoche. – Récapitulation.
– La Chouannerie. – Le Consulat et l’Empire. – La Restauration,
etc.
(1793 – 1832)
Non, la Vendée n’était pas morte, et la guerre
n’était point terminée ; la république avait encore deux
géants à vaincre : Charette et la chouannerie. Mais, avant de
raconter ces luttes suprêmes, suivons jusqu’à la tombe ou à
l’échafaud les derniers chefs de la grande armée catholique et
royaliste.
Talmont, déguisé en paysan, est pris, conduit
à Fougères, puis à Rennes ; trois semaines après, à peine âgé
de vingt-huit ans, il montait à l’échafaud dressé devant la porte
du château de ses pères, en criant : Vive le roi !
« À peu de semaines de là, dit M. Crétineau, les deux
plus féroces ennemis de la Vendée, Beysser et Westermann, étaient
aussi guillotinés comme conspirateurs. » Pendant ce temps-là
La Rochejacquelein, Stofflet, Langerie et. La Ville-Baugé, séparés
de leurs soldats, erraient au hasard sur la rive gauche de la
Loire. Depuis le départ de la grande armée, Charette avait
poursuivi la guerre à sa façon : ne cessant de tenir tête aux
détachements républicains, traînant à bras ses canons et son
matériel, déployant, en un mot, une volonté surhumaine dans cette
guerre de détail pour laquelle il semblait avoir été mis au monde.
« Charette, écrivaient en décembre 1793 Haxo et Dutruy,
Charette nous a fait un mal horrible. Ce brigand a trouvé le moyen
de déjouer toute la sagacité des plus habiles manœuvres. »
Le 8 décembre, l’indomptable partisan a
remonté le haut Poitou ; il convoque, le 9, aux Herbiers, son
état-major, qui le nomme général en chef des armées du bas Poitou.
Charette alors organise et discipline ses forces, et dirige au cœur
de la Vendée l’armée la plus aguerrie qu’on y eût encore vue. Il
rencontre à Maulévrier La Rochejacquelein (29 décembre) ;
celui-ci apprend l’extermination de la grande armée, et, par sa
seule présence, lui enlève des milliers de soldats. C’était le
moment de s’unir, et la division se mit entre Charette et La
Rochejacquelein. Charette, affaibli, quitte le Bocage, et regagne
le bas Poitou ; il se replie sur Machecoul ; mais il en
est chassé après deux combats furieux. En même temps, Turreau
entreprend d’enlever Noirmoutiers à la garnison de Charette, et
s’en empare le 2 janvier 1794, après une résistance désespérée de
la part des blancs : « Victoire ! tout est à nous,
écrit Dutruy à Carrier ; d’Elbée, Tanguy, d’Hauterive, Massip,
tous ces chefs de brigands sont sous clef, et le rasoir national
fera la fête ! »
D’Elbée eut une fin sublime ; torturé
pendant cinq jours, il répondit à un interrogatoire insultant par
cette déclaration remarquable : « Je jure sur mon honneur
que, bien que je préférasse un gouvernement monarchique, j’eusse
vécu en citoyen paisible sous tout gouvernement qui eût assuré ma
tranquillité et le libre exercice de ma religion. » C’était ce
que pensait toute la Vendée, et c’était aussi, disons-le, la
condamnation la plus sanglante de la
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