Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
république.
D’Elbée fut porté dans un fauteuil sur la
place publique, et fusillé entre ses deux parents,
Duhoux-d’Hauterive et de Boisy, au pied même de l’arbre de la
Liberté, qui fut arrosé de son sang. – Wieland, qui avait rendu
Noirmoutiers à Charette, eut le même sort, malgré les protestations
des Vendéens eux-mêmes. M me d’Elbée avait refusé de
quitter son mari ; elle périt le lendemain, avec
M me Maurin, qui lui avait donné l’hospitalité. La
guillotine décima enfin toute la population de Noirmoutiers, qu’on
appela l’
île de la Montagne.
– L’Angleterre continuait à
tromper Charette, comme elle avait trompé les autres chefs
vendéens.
Cependant La Rochejacquelein, Stofflet et une
poignée de braves, écrasaient en détail les
pères de
famille,
ce bataillon d’égorgeurs si horriblement célèbre. La
Convention organisa alors les fameuses colonnes infernales :
douze camps retranchés, composés de soixante-dix mille hommes,
occupent les meilleurs postes du Bocage, enveloppent et affament la
Vendée entière, et lancent de toutes parts des troupes sans
artillerie ni bagages, chargées littéralement
de tout brûler et
de tout massacrer.
« Je sais qu’il peut y avoir des
patriotes dans ce pays, dit l’ancien boucher Grignon, devenu
général ; c’est égal,
nous devons tout
immoler. »
La consigne infernale fut si bien remplie, que
Lequinio, qui l’avait conseillée, recula lui-même devant son
œuvre ; mais il était trop tard ! – Pendant un mois
entier, la Vendée ne fut qu’un bûcher continuel et qu’un cimetière
immense. Il faudrait citer auprès de la lâcheté des bourreaux le
courage des victimes. « Mais, comme l’a très-bien dit
M. Pitre-Chevalier, ce serait raconter l’histoire de presque
toutes les chaumières et de presque tous les manoirs
vendéens. » – Les colonnes infernales ont achevé leur mission.
Il n’y a plus qu’un désert fumant dans tout le haut Poitou et dans
une partie de l’Anjou. Plus d’un quart de la population est
mort ; le reste a disparu. Deux cent mille bestiaux ont péri
avec leurs maîtres. Ce qu’on a brûlé de fourrages, de bois et de
blé, est incalculable.
Il avait été donné cependant à un seul homme
de dépasser toutes ces abominations ; cet homme était Carrier.
Il avait commencé, étant conventionnel, par condamner
Louis XVI, la reine et les Girondins, avant qu’on l’envoyât à
Nantes, « pour passer sur la Vendée, disait Robespierre, comme
un fléau destructeur. » La Terreur, qu’il inaugura à Nantes,
effaça les plus sanglantes pages de l’histoire des peuples anciens
et modernes. Il entre à Nantes le 8 octobre, résolu à
purger
la ville. « Eh bien ! dit-il en arrivant,
cinq cents têtes doivent rouler ici par jour, et je n’en vois pas
une ! Il y a encore ici de l’ancien esprit breton ; le
fer et le feu doivent nationaliser cette ville… Tous les Nantais
sont des scélérats, ajoute-t-il un autre jour. Nous jouerons à la
boule avec leurs têtes. – Plus de négociants, plus de
riches ! » Il n’avait qu’un regret, et il l’avouait
hautement, c’était de
ne pouvoir égorger lui-même
toutes
ses victimes. – Devons-nous continuer le récit de pareilles
atrocités ? « Le cœur d’un aristocrate, disait-il à
table, serait sans doute un mets excellent. »
Les premières victimes de Carrier sont les
prisonniers vendéens, qui affluent de toutes parts. Puis il
destitue et chasse les derniers champions de la probité d’État,
Grouchy, Canclaux, Kléber, Dubayet, etc… Il déclare tous les
marchands aristocrates, et propose de faire piller leurs magasins
par le peuple. « Peuple, disait-il, prends ta massue, écrase
tous ces négociants, enfonce toutes ces boutiques, extermine tous
ces scélérats ! » – Désormais, quand l’heure sonne à
l’horloge de Nantes, un horrible chant de mort, le
ça
ira !
retentit sous les marteaux du carillon. Oublier de
tutoyer un citoyen, parler convenablement et sans jurer, c’était
jouer sa vie. L’horrible et le ridicule se coudoient. On inscrit
dans les bureaux :
Ici on se tutoie,
et
au-dessous :
Fermez la porte, s’il vous plaît.
On
supprimait comme aristocrate une pièce intitulée
le château du
Diable.
Bientôt la guillotine ne va pas assez
vite ; Carrier organise les fusillades en masse. Tant de
cadavres s’amoncellent dans les carrières de Gigant, qu’il faut
créer une compagnie
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