Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
s’acharna sur la Vendée sans défense, qu’elle écrasa des
femmes, des vieillards et des enfants abandonnés. On ne saurait
croire toutes les horribles vengeances qu’exercèrent sur les pays
de Tiffauges, de Vallet et de Clisson, les républicains vaincus de
Torfou, de Montaigu et de Saint-Fulgent. Tirons un voile sur ces
horreurs ; ce sont des Français qui les ont commises, leur
honneur est trop le nôtre pour que nous rappelions ces faits qui
attestent le délire et la folie d’un peuple égaré.
Le passage de la Loire avait dérouté les plans
gigantesques d’extermination formés par la république ;
cependant, au moment de se mettre en route, l’armée catholique
avait reçu un coup terrible, la nouvelle de l’exécution de la reine
Marie-Antoinette, après six mois d’effroyable misère et un jugement
plus effroyable encore. Quelques avantages remportés sur les
républicains suffisent à peine à ranimer le courage des Vendéens,
épuisés par la fatigue et les privations de tout genre. Le 23
octobre, enfin, on entre dans Laval. Talmont avait promis de
soulever tout le pays de Laval, rempli des souvenirs de sa
famille ; la terreur qui glaçait les âmes l’empêcha de
réaliser cette promesse. Mais un autre secours, des plus utiles,
vint fortifier les Vendéens. La chouannerie du Maine, depuis
longtemps insurgée, accourut en foule avec ses vieux fusils de
chasse et ses fourches de fer. Les chefs, comme les soldats,
étaient de pauvres paysans, Jean Cottereau, dit Jean Chouan, et ses
trois frères ; Jean-Louis Treton, dit
Jambe-d’Argent,
boiteux infatigable. Des Bretons vinrent aussi grossir la colonne
intrépide, sous les ordres de Lemercier, surnommé
la
Vendée
,
et de Georges Cadoudal, qui jouera plus tard
un si grand rôle. En peu de temps il y en eut plus de six
mille : on donnait à ce rassemblement le nom de
Petite
Vendée.
Après deux jours de repos à Laval, l’armée
royaliste fut attaquée par les Mayençais et Westermann, dans la
lande de la Croix-de-Bataille. Le combat dura toute une nuit et fut
des plus acharnés. Les bleus perdirent beaucoup de monde. Enfin ils
se replièrent sur Château-Gonthier, où ils trouvèrent Léchelle et
Kléber. Malgré l’avis de ce dernier, une bataille générale fut
résolue ; elle eut lieu le 27 octobre 1793. Le triomphe des
Vendéens fut complet ; il les fit passer de l’abattement du
désespoir au délire de la joie. Jamais la chance n’avait tourné si
brusquement ni si complètement. Kléber ne ramena que de honteux
débris de l’armée républicaine à Angers. C’est ici, comme on l’a
très-bien dit, que la guerre de l’Ouest devient, de part et
d’autre, une guerre de géants ! À Cholet, la Vendée entière
était anéantie, et, dix jours plus tard, elle ressuscitait
victorieuse. À Laval, la république n’avait plus de soldats, et
douze jours après elle retrouvait une armée. Mais par quels
moyens ? voici le sublime de la Terreur (qu’on nous passe
cette expression) !
Hommes et femmes, vieillards et enfants, sont
mis en réquisition permanente. Les hospices et les ambulances
manquent-ils pour les blessés, voici ce que Esnue, Prieur et
Turreau ont imaginé : « On se plaint, dans les rapports,
de la trop grande quantité de blessés et de malades qui encombrent
l’armée, et peuvent, dans un cas de gravité, paralyser ses
mouvements ou son ensemble. Les blessés et les malades, étant
francs républicains comme nous, doivent, comme nous, se sacrifier
au salut commun. Ils ne peuvent pas combattre et mourir les armes à
la main ; il faut qu’ils meurent d’une autre manière. En cas
d’absolue nécessité, nous autorisons donc, dans l’intérêt bien
entendu de la chose publique, à se défaire le plus humainement
possible de tous ceux qui, par raison d’état sanitaire,
apporteraient un préjudice quelconque à la marche ou au succès des
troupes républicaines. Le patriotisme et la fraternité des généraux
décideront des cas où le salut de la république commandera
impérieusement ces sacrifices. »
Les soldats sont-ils nu-pieds, comme cela
n’arrivait que trop souvent alors, – « Tout citoyen qui ne
marchera point à la défense de la patrie, sera tenu de remettre à
sa municipalité les souliers et les bottes qu’il a, sous peine
d’être réputé suspect. »
Si les souliers font défaut (il y a des
communes où l’on n’en trouve plus une seule paire), on met en
réquisition les
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