Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
l’Angleterre
avaient manqué devant Granville, il fallait l’attribuer à un
malentendu ;
les Vendéens eurent le tort de croire à
cette excuse, et demandèrent dix mille émigrés avec des fusils et
de la poudre.
Défaits le 6 juin par Dutruy, à l’attaque de
Challans, Charette accuse Stofflet de mauvaise volonté, Stofflet
accuse son collègue d’imprudence, et chefs et soldats se séparent
vivement irrités. Pendant ce temps-là, Robespierre passait de
l’autel de l’Être suprême à la guillotine : sa dictature
n’avait duré que quelques mois ; mais que de maux entassés en
si peu de temps (9 thermidor [27 juillet] 1794) ! La France
respire un moment ; la Vendée refuse de croire à la paix que
lui annoncent les républicains, qui les avaient menés si souvent à
la boucherie. Après Vimeux, Alexandre Dumas (le père du célèbre
romancier), brave capitaine et républicain généreux, voyant comme
on combat les Vendéens, donne sa démission, « préférant au
commandement en chef d’une armée d’égorgeurs le service de simple
soldat dans une guerre où l’on pût faire des prisonniers. »
Plus tard, Savary lui contait les massacres du Bocage, et
ajoutait : « Les ordres étaient formels :
qu’eussiez-vous fait si vous les aviez reçus ? – J’aurais
désobéi, répondit Dumas, ou je me serais fait sauter la
cervelle. »
La Convention persista dans les voies de la
douceur, et rappela tous les représentants et tous les généraux
impitoyables. Mais elle sollicitait en même temps en secret les
Vendéens de livrer leurs chefs. Une rupture survenue entre Charette
et Stofflet vint affaiblir encore les royalistes, déjà ébranlés par
les assurances de paix qu’on leur offrait. Seuls les soldats de
Charette, soutenus par leur indomptable chef, sont encore acharnés
à la guerre. Carnot multiplie les promesses d’amnistie et de
pardon. Onze représentants viennent dans l’Ouest arrêter les
exécutions, ouvrir les cachots, rassurer les royalistes. Charette,
disposé enfin à la paix, faute de pouvoir continuer la guerre,
consulte ses officiers ; tous opinent pour un traité
honorable, à l’exception de Savin, Le Moelle et Delaunay. On
trompait les royalistes en les flattant. Stofflet le comprit et
résista toujours ; mais que pouvait-il faire avec des soldats
découragés ? Cependant un traité de paix est signé, le 18
janvier 1795, à la Jaunais. Qu’on y voie un chef-d’œuvre de rouerie
républicaine, ou un modèle de crédulité royaliste, comme dit
Napoléon, le beau rôle est de toute manière du côté des
Vendéens.
Stofflet seul avait refusé de croire aux
promesses de la république : il comprenait trop bien que cette
pacification, prétendue générale, n’était qu’un leurre. D’ailleurs
la discorde divisait également et les chefs vendéens et la
Convention nationale. – Stofflet continue la guerre, presque seul,
mais avec une telle énergie, que la république tremble de voir
renaître l’acharnement vendéen. Épuisé et affaibli, Stofflet signe
enfin le traité de la Jaunais, et stipule, en noble cœur, le retour
en France de son ancien maître, le comte de Colbert, et sa
réintégration dans tous ses biens. Douze jours auparavant, le 20
avril 1795, les chefs de la Bretagne avaient traité à la
Mabilais ; de sorte que toutes les provinces de l’Ouest se
trouvèrent pacifiées, du moins en apparence.
« Ni les Vendéens, ni les Bretons, ni les
conventionnels ne se faisaient d’illusion sur l’impossibilité
d’exécuter les traités de la Mabilais et de la Jaunais, dit un
historien. Les insurgés restaient armés et administrés
monarchiquement au milieu de la France républicaine. Leur moindre
contact avec les patriotes pouvait donc jeter des étincelles, et
ces étincelles rallumer des incendies. »
Il n’entre pas dans notre plan de parler de
l’agence royaliste et de ses mille intrigues, de tous ces
exploiteurs du sang et de la gloire de leurs héros. Passons ces
choses honteuses, et hâtons-nous de dire que l’ennemi le plus
dangereux de la pacification fut le ministère anglais ; il
avait besoin à tout prix d’entretenir l’incendie qui dévorait la
France. Il méditait dès lors l’expédition de Quiberon, ce digne
pendant de l’expédition de Granville. Les princes, dont l’ambition
est mise en jeu, donnent les premiers dans ce nouveau piège ;
ils envoient le marquis de Rivière à Charette pour le réconcilier
avec Pitt
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