Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
retirer à lui, et nul qui se refuse à faire
serment de féaulté à cet enfant, comme le veut droit et honneur de
toute la Bretagne. »
Alain expira après avoir placé son fils
Drogon, âgé de trois mois, sous la tutelle de Thibault. Le
beau-frère d’Alain ne garda pas longtemps la mémoire de son
compagnon d’armes ; il se hâta de marier sa sœur à Foulques,
comte d’Anjou, avec lequel il régit l’héritage du fils mineur du
défunt duc de Bretagne. L’avarice conseilla bientôt un grand crime
à Foulques ; il détermina par des menaces terribles la
nourrice de Drogon à lui donner la mort. La malheureuse femme,
tremblant pour ses jours, exécuta en pleurant ce que lui commandait
son souverain. Ce n’était toutefois qu’un crime inutile ; il
aurait fallu conquérir la Bretagne, et le comte d’Anjou n’avait ni
le courage ni les forces nécessaires pour réussir dans une telle
entreprise.
Trois compétiteurs se disputèrent alors la
souveraineté de la Bretagne. Hoël et Guérec’h, fils d’Alain,
s’emparèrent du comté de Nantes ; et Conan, fils du comte de
Rennes Bérenger, leur déclara la guerre. Conan se prétendait
héritier direct de Salomon, le dernier roi de Bretagne, et
réclamait la totalité des États qui avaient appartenu à ce prince.
Hoël se mit à la tête de ses troupes, après avoir fait nommer
Guérec’h évêque de Nantes, marcha sur Rennes, ravageant, pillant et
brûlant tout ce qui se trouvait sur son passage ; Conan ne se
montra nulle part, et Hoël revint à Nantes avec un riche butin. Le
comte de Rennes, pour couper court à ces redoutables hostilités,
résolut de se défaire de son ennemi, sans confier sa destinée au
sort hasardeux d’un combat. Un de ses gens, nommé Galvron, qui
s’était retiré près d’Hoël à la suite d’un différend survenu avec
un des domestiques de Conan, négocia son retour près de son premier
maître au prix de la mort d’Hoël. Un soir que ce dernier avait
chassé le cerf, il envoya devant lui les gens qui l’accompagnaient,
afin de préparer ses logements, et il resta dans le bois, seul avec
son chapelain qui lui récitait ses vêpres. Galvron, s’étant arrêté
sous un prétexte frivole, revint sur le prince à bride abattue, le
perça d’un grand coup d’épée, et se perdit ensuite dans les
profondeurs de la forêt. Après la mort de son frère, Guérec’h fut
proclamé comte de Nantes, et dès lors la guerre se ralluma plus
furieuse que jamais. Guérec’h, pour venger Hoël, s’allia avec
Geoffroy Grise-Gonelle, comte d’Anjou, que Conan avait
gravement offensé. Les deux armées ennemies se mesurèrent sur la
lande de Conquereux, où l’avantage demeura à Guérec’h, après un
engagement dans lequel Conan fut blessé au bras. Ce dernier,
voyant que le sort des combats lui était contraire, songea à se
délivrer de Guérec’h par le poignard d’un assassin, comme il avait
déjà fait d’Hoël. Cette fois, le meurtrier fut le médecin de
Guérec’h, qui, séduit par l’or de Conan, fit usage, pour le
saigner, d’une lancette empoisonnée. Le mal faisant des progrès
rapides, les amis du comte le supplièrent de se laisser couper le
bras, dans l’espoir qu’on pourrait encore le sauver. « Non,
dit avec courage le patient ; les princes ont besoin de leurs
bras ; Dieu veut me retirer de ce monde, je m’abandonne à sa
miséricorde ; » et il mourut. Il laissait un fils, qu’une
même tombe enferma avec son père peu de jours après.
Conan, devenu prince de toute la Bretagne,
prit le titre de duc et chercha, par de riches aumônes, à se mettre
en paix avec sa conscience et à faire oublier la route sanglante
qui l’avait conduit à la couronne.
Le seul descendant des comtes de Nantes était
alors Aymon, fils de Hoël : ce jeune prince, toujours affligé
de la mort de ses frères, supplia vivement Foulques Néra, comte
d’Anjou, de l’aider à venger Hoël et Guérec’h, si traîtreusement
assassinés. Foulques y consentit. Un combat se prépara de nouveau
sur la lande de Conquereux, témoin d’une première défaite de
Conan ; cette fois l’usurpateur eut recours à une ruse dont
les effets devaient être désastreux pour ses ennemis. Il fit
creuser des fosses larges et profondes, qu’on recouvrit ensuite de
claies, de feuillage et de gazon.
Lorsque Aymon et Foulques furent en présence
des Bretons et à portée de la voix, le comte d’Anjou, élevant dans
ses bras le jeune
Weitere Kostenlose Bücher