Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
roi
d’Angleterre. Le roi d’Écosse promit aussi à Philippe de faire
diversion en sa faveur.
Tandis que le roi de France armait ainsi,
Charles de Blois emporta d’assaut Quimper, où ses troupes
exercèrent d’horribles cruautés et tuèrent plus de deux mille
personnes sans exception d’âge ni de sexe. Charles prit ensuite le
chemin de Paris, où il conduisit ses prisonniers : trois
d’entre eux eurent la tête tranchée, et leurs corps furent attachés
au gibet.
Peu de temps après (1344), Jean de Montfort
s’évada de sa prison, aidé par quelques pauvres gens qui le
déguisèrent en marchand. Il se rendit d’abord en Angleterre, où,
ayant obtenu d’Édouard quelques gens de guerre, il passa en
Bretagne et commença par assiéger Quimper ; mais il fut
bientôt obligé de se retirer, et se vit lui-même bloqué dans un
château où il s’était enfermé. Il put enfin passer au travers du
camp ennemi et s’échapper. Il mourut quelques mois après, le 26
septembre 1345, à Hennebon. Ce prince, malheureux depuis sa
naissance, persécuté par le duc son frère, prisonnier dans le temps
qu’il veut recueillir sa succession, à peine est-il en liberté
qu’il meurt.
Jean de Montfort laissait un testament par
lequel il instituait le roi d’Angleterre tuteur de Jean, son fils,
l’héritier de ses prétentions au trône ducal. Le comte de Montfort
n’a point été placé au rang des ducs de Bretagne.
Charles de Blois profita peu des malheurs de
son rival, et la comtesse de Montfort ne fut pas plus déconcertée
par la mort de son mari qu’elle ne l’avait été par sa prison. Son
fils Jean, âgé de sept à huit ans, était en sûreté à la cour du roi
d’Angleterre. Édouard avait envoyé en Bretagne le comte de
Northampton, en qualité de capitaine général des troupes anglaises
qui étaient dans ce duché. La comtesse de Montfort, secondée des
forces étrangères, sut tenir tête à Charles de Blois. Ce prince
ayant mis le siège devant la Roche-Derrien, forteresse importante à
une lieue de Tréguier, le général anglais accourut à la tête de
vingt-huit mille hommes. Thomas Dagworth, son lieutenant, conduisit
ses hommes à travers les bois et par des chemins détournés. Ayant
ainsi dérobé sa marche, il arriva près du camp ennemi. Comme la
nuit était très-obscure, ceux qui étaient de garde ne s’aperçurent
point de la présence des Anglais, qu’on s’attendait à voir arriver
dans une tout autre direction. Cependant le guet, ayant entendu
quelque bruit, donna sur eux avec succès et fit même Dagworth
prisonnier ; mais il fut délivré presque aussitôt. Charles,
étant venu alors au secours de ses gens, combattit avec vigueur et
fit prisonnier de sa main Dagworth ; mais les défenseurs de la
Roche-Derrien firent en même temps une sortie, et Dagworth recouvra
une seconde fois la liberté. Charles, attaqué alors par devant et
par derrière, et ne pouvant être secouru par les troupes campées au
delà de la rivière, jugea à propos de se retirer vers la montagne
de Mezeaux, après avoir vu tomber auprès de lui l’élite de ses
troupes. Là il se défendit encore quelque temps à l’abri d’un
moulin à vent ; mais enfin il fut forcé de se rendre à Robert
du Chastel, chevalier breton, après avoir reçu dix-huit
blessures.
Avec Charles de Blois se rendirent les
principaux seigneurs de sa cour, les sires de Laval, de
Châteaubriant, de Rougé, de Raiz, de Rieux, etc. Dagworth envoya
plus de quatre mille prisonniers à Hennebon. La bataille avait eu
lieu le 18 juin 1347.
L’infortuné Charles fut amené de la
Roche-Derrien à Vannes, où il demeura près d’un an occupé du soin
de sa guérison ; Jeanne de Penthièvre, sa femme, obtint la
permission de le venir voir. De Vannes il fut conduit à Hennebon,
où on l’embarqua pour l’Angleterre avec une bonne escorte. La
prison et la mort du comte de Montfort avaient obligé la comtesse à
se charger du soin des affaires de la guerre : Jeanne de
Penthièvre se trouva dans la même nécessité par la captivité de son
mari. Ces deux femmes héroïques poussèrent la guerre avec vigueur,
et firent éclater de part et d’autre beaucoup de prudence et de
courage.
CHAPITRE VIII
Suite de la lutte entre Jean de Montfort et Charles de
Blois. – Le combat des Trente. – Du Guesclin. – Clisson. – Jean de
Montfort triomphe.
(1351 – 1366)
La défaite des Français par les Anglais à
Crécy (1346) avait eu pour
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