Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
souverain
et lui ferait hommage. Après avoir consulté Édouard, le comte de
Montfort consentit à la proposition de Charles V, et un traité
fut conclu à Guérande le 12 avril 1365, par lequel, outre la
reconnaissance de Montfort comme duc de Bretagne, il fut réglé, à
l’égard de la comtesse de Penthièvre, qu’elle conserverait ce
comté, dont elle avait toujours porté le nom, et les autres terres
qu’elle avait héritées de son père et de sa mère, etc. L’article X
portait que désormais les femmes ne pourraient prétendre au duché,
qu’au défaut de tous les mâles légitimes de la maison de Bretagne.
Ce point, jusque alors indécis, avait été la cause de la guerre.
Enfin, l’année suivante (1366), Charles V ratifia le traité de
Guérande, et fixa le jour où le duc viendrait à Paris lui rendre
son hommage : cette cérémonie eut lieu le 13 décembre de la
même année.
CHAPITRE IX
Jean de Montfort. – Ses alliances avec l’Angleterre. –
Il persécute Clisson.
(1366 – 1399)
Jean de Montfort, alors unanimement reconnu
comme duc de Bretagne, se rendit dans son duché, où d’abord il fit
battre une nouvelle monnaie en son nom. En même temps il fit
publier par chaque ville qu’il avait enfin la paix avec tout le
monde, et qu’il défendait, sous quelque prétexte que ce pût être,
de se livrer à aucune hostilité. Il assembla ensuite les états, et
travailla à rétablir partout l’ordre et la tranquillité.
Les Bretons vivaient en repos depuis cinq ans,
et commençaient à réparer les désastres causés par la guerre,
lorsque le roi de France saisit une occasion de reprendre les
hostilités contre l’Angleterre. Le prince de Galles, qui gouvernait
la Guienne pour Édouard III, ayant surchargé d’impôts cette
province, vit les barons de Gascogne en appeler à la cour des pairs
et à son suzerain Charles V. Le parlement le fit sommer de
comparaître. Le prince, indigné, répondit qu’il s’y rendrait avec
soixante mille lances en guise de témoins ; et sur-le-champ il
ordonna aux débris des grandes compagnies, revenues des campagnes
de Navarre et de Castille, d’entrer sur les terres françaises et
d’y vivre à discrétion. Charles V, de son côté, envoya l’un de
ses gentilshommes à Du Guesclin, alors en Catalogne, pour l’engager
à lui ramener les troupes bretonnes et françaises qu’il avait
encore sous ses ordres.
Le duc de Bretagne, attaché au roi
d’Angleterre par les liens de la reconnaissance, crut ne pouvoir se
dispenser d’accorder passage à quatre cents hommes d’armes et à
autant d’arbalétriers, envoyés au prince de Galles par le roi son
père, au commencement de cette guerre, qui devait être surtout
funeste à Jean de Montfort. Charles V ne pouvait se
dissimuler, d’après tout ce qu’il apprenait, que Montfort ne fût au
fond plus Anglais que Français, et il attendait impatiemment le
retour de Du Guesclin. Le roi commença par le nommer connétable de
France ; mais, par prudence et par une économie que lui
commandaient rigoureusement les circonstances, il ne voulut pas lui
donner plus de cinq cents hommes, dont la solde était payée pour
quatre mois. Du Guesclin eut beau représenté qu’il ne pouvait rien
faire avec cette poignée de soldats, et surtout sans argent ;
il ne gagna rien sur l’esprit du monarque.
Bertrand, très-mécontent d’avoir accepté une
charge si lourde, partit pour la Normandie, où le rejoignirent ses
fidèles Bretons : Clisson, Rohan, Raiz, etc. Ranimé par cet
entourage des plus célèbres capitaines du siècle, il écrivit à sa
femme de lui apporter les joyaux et la vaisselle qu’il avait
conquis en Espagne, ou qui provenaient de la reconnaissance du roi
de Castille. Il vendit tout, et bientôt il eut à sa solde plus de
quatre mille hommes d’armes. Son frère Olivier ne put s’empêcher de
lui dire en voyant une telle dépense : « Monsieur, des
gens de guerre vous arrivent de toutes parts, et il en accourt
encore ; l’argent du roi ne suffirait pas à payer quinze cents
hommes d’armes ; faites, je vous prie, un peu d’attention à
vos affaires. – Vous avez bien raison, mon frère, reprit Du
Guesclin ; mais s’il en vient mille fois plus, je n’en
refuserai pas un seul tant que dureront les bagues de ma femme, ma
vaisselle et mes meubles. Les grandes compagnies, que nous avons eu
tant de peine à extirper du royaume, ne se sont formées qu’à défaut
de paiement.
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