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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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paraissait
l’offrande la plus précieuse et la plus agréable. On s’est trop empressé
d’applaudir à leurs notions sur la Divinité qu’ils ne renfermaient pas dans
l’enceinte d’un temple, et qu’ils ne représentaient sous aucune forme humaine.
Rappelons-nous que les Germains n’avaient pas la moindre idée de la sculpture,
et qu’ils connaissaient à peine l’art de bâtir ; il nous sera facile
d’assigner le véritable motif d’un culte qui venait bien moins d’une
supériorité de raison que d’un manque d’industrie. Des bois antiques, consacrés
par la vénération des siècles, étaient les seuls temples es Germains : là
résidait la majesté d’une puissance invisible. Ces sombres retraites, en ne
présentant aucun objet distinct de crainte ou de culte réel, inspiraient un
sentiment bien plus profond d’horreur religieuse [746]  ; et
l’expérience avait appris à des prêtres grossiers tous les artifices qui
pouvaient maintenir et fortifier des impressions terribles si conformes à
lieurs intérêts [747] .
    La même ignorance qui rend les Barbares incapables de
concevoir ou d’adopter l’empire utile des lois, les livre sans défense aux
terreurs aveugles de la superstition. Les prêtres germains, profitèrent de
cette disposition de leurs compatriotes, et ils exercèrent même dans les affaires
temporelles une autorité, que le magistrat n’aurait osé prendre. Le fier
guerrier se soumettait patiemment à la verge de la correction, lorsque la main
vengeresse tombait sur lui pour exécuter, non la justice des hommes, mais
l’arrêt immédiat du dieu de la guerre [Tacite, Germ ., 7] . Souvent
la puissance ecclésiastique suppléait les défaits de l’administration civile.
L’autorité divine intervenait constamment dans les assemblées populaires pour y
maintenir l’ordre et le silence ; et quelquefois elle s’occupait d’objets
plus importants au bien de l’État. On faisait, en certains temps, une
procession solennelle dans les pays actuellement connus sous le nom de
Mecklenbourg et de Poméranie. Le symbole inconnu de la déesse Herthe (la terre),
couvert d’un voile épais, sortait avec pompe de l’île de Rugen, sa résidence
ordinaire : placée sur un char tiré par des génisses, elle visitait de cette
manière plusieurs tribus de ses adorateurs. Pendant sa marche, les querelles
étaient suspendues, les cris de guerre étouffés ; le Germain belliqueux
déposait ses armes : il pouvait goûter alors les douceurs de la paix et de la
tranquillité [ Ibid ., 40] . La trêve de Dieu, si souvent et si
inutilement proclamée par le clergé du onzième siècle, ne fut qu’une imitation
de cette ancienne coutume [748] .
    Mais la religion avait bien plus de force pour enflammer que
pour modérer les passions violentes des Germains. L’intérêt et le fanatisme
portaient souvent, les prêtres à sanctifier les entreprises les plus
audacieuses et les plus injustes, par l’approbation du ciel et par l’assurance
du succès. Les étendards, tenus longtemps en dépôt dans lies bois sacrés,
brillaient tout à coup sur le champ de bataille [749]  ; on
dévouait l’armée ennemie, avec de terribles imprécations, aux dieux de la
guerre et du tonnerre [750] .
Dans la religion du soldat, la lâcheté est le plus grand des crimes : elle
paraissait telle aux yeux des Germains. L’homme courageux se rendait digne des
faveurs et de la protection de leurs belliqueuses divinités. Le malheureux qui
avait perdu son bouclier était banni à jamais de toutes les assemblées civiles
et religieuses. Quelques tribus du Nord semblent avoir embrassé la doctrine de
la transmigration [751]  ;
d’autres avaient imaginé un paradis grossier, où les héros s’enivrent pendant
toute l’éternité [752] .
Elles convenaient toutes qu’une vie passée dans les combats et une mort
glorieuse pouvaient seules assurer un avenir heureux, soit dans ce monde-ci,
soit dans l’autre.
    L’immortalité, si vainement promise au héros germain par ses
prêtres, lui était, jusqu’à un certain point, assurée par les bardes. Cette
classe d’hommes singuliers a mérité l’attention de tous ceux qui ont étudié les
antiquités des Celtes, des Scandinaves et des Germains. Des recherches exactes
ont fait connaître le génie, le caractère des bardes : on sait combien leurs
emplois importants inspiraient de vénération pour leur personne. Il est plus
difficile d’exprimer, de concevoir même

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