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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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cet homme n’est pas citoyen ; ce n’est pas même un
affranchi, c’est un esclave. Les voisins des Suéones, les Sitones [730] , sont tombés
au-dessous de la servitude ; ils obéissent à une femme [731] . En faisant
cette exception, Tacite reconnaît la vérité du principe général que nous avons
exposé sur la théorie du gouvernement ; nous sommes seulement en peine de
concevoir par quels moyens les richesses et le despotisme ont pénétré dans une
partie du Nord si éloignée, et ont pu éteindre la flamme généreuse qui brillait
dans les contrées voisines des provinces romaines. Comment les ancêtres de ces
Norvégiens et de ces Danois, si connus depuis par leur caractère  indomptable,
se sont-ils laissé enlever le sceau de la liberté germanique [732]  ? Quelques
tribus des bords de la Baltique reconnaissaient l’autorité des rois, sans avoir
abandonné les droits de l’homme [Tacite, Germ ., 43] ; mais dans
presque toute la Germanie, la forme du gouvernement était une démocratie,
tempérée, il est vrai , et modérée moins par des lois générales et positives
que par l’ascendant momentané de la naissance ou de la valeur, de l’éloquence
ou de la superstition [Tacite, Germ ., 11-13, etc.] .
    Les gouvernements civils ne sont, dans leur première
origine, que des associations volontaires formées pour la sûreté commune : pour
parvenir à ce but, désiré, il est absolument nécessaire que chaque individu se
croie essentiellement obligé de soumettre ses opinions et ses actions
particulières au jugement du plus grand nombre de ses associés. Les Germains se
contentèrent de cette branche informe, mais hardie, de la société politique.
Dés qu’un jeune homme, né de parents libres, avait atteint l’âge viril, on
l’introduisait dans le conseil général de la nation ; on lui donnait
solennellement la lance et le bouclier. Il prenait aussitôt place parmi ses
compatriotes, et devenait un membre de la république militaire, égal en droit à
tous les autres. Les guerriers de la tribu s’assemblaient en de certains temps
fixes, ou dans des occasions extraordinaires. L’administration de la justice,
l’élection des magistrats et les grands intérêts de la guerre et de la paix, se
décidaient par le suffrage libre de tous les citoyens. A la vérité un corps
choisi des grands ou des chefs de la nation préparait quelquefois et proposait
les affaires les plus importantes [733] .
Les magistrats pouvaient délibérer et persuader ; le peuple seul avait le
droit de prononcer et d’exécuter. La promptitude et la violence caractérisaient
presque toujours les résolutions des Germains. Ces Barbares, qui faisaient
consister la liberté à satisfaire la passion du moment, et le courage à braver
les dangers, rejetaient en frémissant les conseils timides de la justice ou de
la politique. Leur indignation éclatait alors par un sombre murmure. Mais lorsqu’un
orateur plus populaire leur proposait de venger quelque injure, de briser même
les fers du dernier des citoyens ; lorsqu’il appelait ses compatriotes à la
défense de l’honneur national ou à l’exécution de quelque entreprise pénible et
glorieuse, un choc terrible d’épées et de boucliers exprimait les transports et
les applaudissements de toute l’assemblée. Les Germains ne se rassemblaient
jamais que couverts de leurs armes ; et, au milieu des délibérations les
plus sérieuses, on avait tout à craindre d’un caprice aveugle d’une multitude
féroce qu’enflammaient l’esprit de discorde et l’usage des liqueurs fortes, et
toujours prête à soutenir par la violence des résolutions prises au sein du
tumulte. Combien de fois avons-nous vu les diètes de Pologne teintes de sang,
et le parti le plus nombreux forcé de céder à la faction la plus séditieuse [734] .
    Lorsqu’une tribu avait à redouter quelque invasion, elle se
choisissait un général. Si le danger devenait plus pressant, et qu’il menaçât
l’État entier, plusieurs tribus concouraient à l’élection du même général.
C’était au guerrier le plus brave que l’on confiait le soin important de mener
ses compatriotes sur le champ de bataille. Il devait leur donner l’exemple
plutôt que des ordres ; mais cette autorité, quoique bornée, était
toujours suspecte; elle expirait avec la guerre, et en temps de paix les
Germains ne reconnaissaient aucun chef suprême [César, de Bell. gall .,
VI, 23.] . L’assemblée générale

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