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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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nommait cependant des princes pour
administrer la justice, ou plutôt pour accommoder les différends [735] dans leurs
districts respectifs. En choisissant ces magistrats on avait autant égard à la
naissance qu’au mérite [736] .
La nation leur accordait à chacun une garde et un conseil de cent personnes. Il
parait que le premier d’entre eux jouissait, pour le rang et pour les honneurs,
d’une prééminence qui engagea quelquefois les Romains à le décorer du titre de
roi [Cluvier, Germ. ant ., I, 38] .
    Pour se représenter tout le système des mœurs des Germains,
il suffit de comparer deux branches remarquables de l’autorité de leurs
princes. Ces magistrats disposaient entièrement de toutes les terres de leur
district, et ils en faisaient chaque année un nouveau partage [César, VI, 22
- Tacite, Germ. , 26] . D’un autre côté, la loi leur défendait de
punir de mort, d’emprisonner, de frapper même un simple citoyen [Tacite, Germ .,
7] . Des hommes si jaloux de leurs personnes, si peu occupés de leurs
propriétés, n’avaient certainement aucune idée des arts ni de l’industrie ;
mais ils devaient être animés par un sentiment élevé de l’honneur et de
l’indépendance.
    Les Germains ne connaissaient d’autres devoirs que ceux
qu’ils s’étaient eux-mêmes imposés. Le soldat le plus obscur dédaignait de se
soumettre à l’autorité du magistrat. Le jeune guerrier de la naissance la plus
illustre ne rougissait pas du titre de compagnon. Chaque prince avait une
troupe de gens qui s’attachaient à lui et qui le servaient. Il y avait entre
eux une émulation singulière pour obtenir quelque distinction auprès du prince,
et une même émulation entre les princes sur le nombre et la bravoure de leurs
compagnons. C’est la dignité, c’est la puissance d’être toujours entouré d’un
essaim de jeunes gens que l’on a choisis ; c’est un ornement dans la paix,
c’est un rempart dans la guerre. On se rend célèbre dans sa nation et chez les
peuples voisins, si l’on surpasse les autres par le nombre et par le courage de
ses compagnons ; on reçoit des présents ; les ambassades viennent de
toutes parts. Souvent la réputation décide de la guerre. Dans le combat, il est
honteux au prince d’être inférieur en courage ; il est honteux à la troupe
de ne point égaler la valeur du prince. C’est une infamie éternelle de lui
avoir survécu. L’engagement le plus sacré, c’est de le défendre. Si une cité est
en paix, les princes vont chez celles qui font la guerre ; c’est par là
qu’ils conservent un grand nombre d’amis. Ceux-ci reçoivent d’eux le cheval du
combat, et le javelot terrible. Les repas, peu délicats, mais grands, sont une
espèce de solde pour eux ; le prince ne soutient ses libéralités que par les
guerres et les rapines [737] .
    Cette institution, qui affaiblissait le gouvernement des
différents États de la Germanie, donnait un nouveau ressort au caractère
général des nations qui l’habitaient. Elle développait parmi elles le germe de
toutes les vertus dont les Barbares sont susceptibles. C’est du même foyer que
sont sorties longtemps après la valeur, la fidélité, la courtoisie et
l’hospitalité qui distinguèrent nos anciens chevaliers. Un célèbre écrivain de
nos jours aperçoit dans les dons honorables accordés par le chef à ses braves
compagnons, l’origine des fiefs que les seigneurs barbares, après la conquête
des provinces romaines, distribuèrent à leurs vassaux, en exigeant pareillement
d’eux l’hommage et le service militaire [738] .
Ces conditions cependant sont entièrement contraires aux maximes des Germains
qui aimaient à faire des présents, mais qui auraient rougi d’imposer ou
d’accepter aucune obligation [739] .
    Dans les siècles de chevalerie, au moins si l’on en croit
les vieux romanciers, tous les hommes étaient braves, toutes les femmes étaient
chastes. La dernière de ces vertus, quoique bien plus difficile à acquérir et à
conserver que la première, est attribuée presque sans exception aux femmes des
Germains. La polygamie avait lieu seulement parmi les princes ; encore ne
se la permettaient-ils que pour multiplier leurs alliances. Les divorces
étaient défendus par les mœurs, plutôt que par les lois. On punissait
l’adultère comme un crime rare et impardonnable. Ni l’exemple ni la coutume ne
pouvaient justifier la séduction [740] .
Il nous est permis de croire que

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