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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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On pouvait se permettre une espérance charitable en faveur de Socrate
ou de quelques autres sages de l’antiquité qui avaient consulté la lumière de
la raison avant qu’on eût vu briller celle de l’Évangile [1419]  ; mais on
assurait unanimement que les idolâtres qui, depuis la naissance, ou la mort de
Jésus-Christ, avaient opiniâtrement persisté dans le culte des démons, ne
méritaient ni ne pouvaient attendre de pardon de la justice d’un Dieu irrité.
Ces sentiments rigides, qui avaient été inconnus au monde ancien, paraissent
avoir répandu de l’amertume dans un système d’amour et d’harmonie. Souvent la
différence des religions rompit les nœuds du sang et de l’amitié. Les fidèles
qui gémissaient dans ce monde sous la puissance tyrannique des païens,
s’abandonnaient quelquefois à leur ressentiment ; et trompés par les
mouvements d’un orgueil spirituel, ils se plaisaient à comparer leur triomphe
futur avec les tourments réservés à leurs ennemis. Vous aimez les spectacles ,
s’écrit sévère Tertullien : attendez le plus grand de tous les
spectacles ; le jugement dernier, jugement universel de l’univers. Oh !
combien j’admirerai, combien je rirai, combien je me réjouirai, combien je
triompherai, lorsque je contemplerait tant de superbes monarques et de dieux
imaginaires, poussant d’affreux gémissements dans le plus profond de l’abîme,
tant de magistrats, qui persécutaient le nom du Seigneur, liquéfiés dans des
fournaises mille fois plus ardentes que celles où ils ont précipité les chrétiens ;
tant de sages philosophes rougissant au milieu des flammes avec les disciples 
qu’ils ont séduits ; tant de poètes célèbres tremblants devant le tribunal
non de Minos, mais de Jésus-Christ ; tant d’acteurs tragiques élevant la
voix avec bien plus de force pour exprimer leurs propres douleurs ; tant
de danseurs ! … [1420] Mais l’humanité du lecteur me pardonnera de tirer un voile sur le reste de
cette description révoltante, continuée par le zélé Africain avec une recherche
d’esprit remplie d’affectation et de cruauté [1421] .
    Sans doute parmi les premiers chrétiens il y avait un grand
nombre dont le caractère s’accordait mieux avec la douceur et la charité de
leur profession de foi. Plusieurs d’entre eux ressentaient une compassion
sincère à la vue des dangers de leurs amis et de leurs compatriotes ; et,
animés d’une ardeur bienfaisante, ils s’efforçaient de les arracher à une perte
inévitable. L’indifférent polythéiste, qui se trouvait tout à coup assailli par
des terreurs imprévues, dont ne pouvaient le garantir ses prêtres et ses
philosophes, était souvent effrayé et subjugué par la menace d’un supplice
éternel. Ses alarmes aidaient aux progrès de sa foi et de sa raison ; et
s’il parvenait une fois à soupçonner que la religion chrétienne pouvait bien être
véritable, il devenait facile de lui persuader qu’il n’avait point de parti
plus sage, ni plus prudent à embrasser.
    III . Les dons surnaturels que le chrétien, disait-on,
recevait même durant cette vie, devaient, en l’élevant au-dessus des autres
hommes, le consoler de leurs injustices, et contribuer à convaincre les
infidèles. Outre les prodiges qui, dans différentes occasions, ont pu être
opérés par l’intervention immédiate de Dieu, lorsque, pour le service de la
religion, il suspendait les lois de la nature, l’Église chrétienne, depuis le
temps des apôtres et de leurs premiers disciples, a prétendu à une succession
non interrompue de pouvoirs miraculeux [1422] ,
tels que les dons des langues, des visions et des prophéties, le pouvoir de
chasser les démons, de guérir les malades et de ressusciter les morts. La
connaissance des langues étrangères fut souvent accordée aux contemporains de
saint Irénée, quoique saint Irénée lui-même, en prêchant l’Évangile, aux natifs
de la Gaule [1423] ,
se soit trouvé obligé de lutter contré les difficultés d’un dialecte barbare.
L’inspiration divine, suivant la tradition, se communiquait soit par des
visions, soit par des songes. Les fidèles de tout rang, de tout état, les
femmes et les vieillards, les enfants aussi bien que les évêques, avaient
également part à cette faveur. Lorsque leurs âmes pieuses avaient été
suffisamment préparées par les prières, les jeûnes et les veilles, à recevoir
l’impulsion extraordinaire, ils entraient tout à

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