Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
comme
une dignité temporelle. Les vues intéressées des passions haineuses ou
personnelles, les artifices de la dissimulation, de la perfidie la corruption,
les violences ouvertes et même les scènes sanglantes qui avaient déshonoré les
élections des républiques de la Grèce et de Rome, ont trop souvent influé sur
le choix des successeurs des apôtres. Tandis qu’un candidat s’enorgueillissait
du rang que tenait sa famille, un autre tâchait de séduire ses juges en leur
offrant les délices d’une table somptueusement servie. Un troisième, plus
coupable, promettait de partager les dépouilles de l’Église avec les complices
de ses espérances sacrilèges [2260] .
Les lois ecclésiastiques et civiles s’occupèrent de concert à réprimer ces
désordres en excluant la populace du droit de suffrage ; et les canons de
l’ancienne discipline, en soumettant les candidats à certaines conditions
d’âge, de rang, etc., arrêtèrent en partie le caprice aveugle des électeurs.
L’autorité des évêques de la province, qui s’assemblaient dans l’église vacante
pour consacrer le choix du peuple, fut souvent employée à calmer ses passions,
et à redresser ses erreurs. Les évêques pouvaient refuser l’ordination à un
candidat qu’ils en jugeaient indigne, et la fureur des factions opposées,
acceptait quelquefois leur médiation. La soumission ou la résistance du peuple
et du clergé dans plusieurs occasions, établirent différents exemples qui peu à
peu se changèrent en lois positives et en coutumes locales [2261] . Mais ce fut
partout une foi fondamentale de la police religieuse, qu’un évêque ne pouvait
pas prendre possession d’une chaire chrétienne sans avoir été agréé par les
membres de cette Église. Les empereurs, comme protecteurs de la tranquillité
publique, comme, premiers citoyens de Rome et de Constantinople, pouvaient
exprimer leur désir sur le choix d’un métropolitain, et le faisaient sans doute
avec succès ; mais ces monarques, absolus respectaient la liberté des élections
ecclésiastiques ; et, tandis qu’ils distribuaient et reprenaient à leur gré les
dignités civiles et militaires, ils souffraient que les suffrages libres du
peuple nommassent dix-huit cents magistrats perpétuels à des emplois importants [2262] . Il paraissait
juste que ces magistrats n’eussent pas la liberté de s’éloigner du poste
honorable dont on ne pouvait pas les priver. Cependant la sagesse des conciles
essaya, sans beaucoup de succès, de les forcer à résider dans leurs diocèses et
de les empêcher d’en changer. La discipline se relâcha moins, à la vérité, dans
les diocèses de l’Occident que dans ceux de l’Orient ; mais les passions qui
avaient nécessité les précautions, les rendirent insuffisantes. Les reproches
véhéments dont s’accablèrent réciproquement des prélats irrités, ne servirent
qu’à faire connaître leur fautes réciproques et leur mutuelle imprudence
2° Les évêques étaient seuls en possession de la génération
spirituelle ; et ce privilège compensait en quelque façon les privations
du célibat [2263] ,
qui fut d’abord recommandé comme une vertu, ensuite comme un devoir, et enfin
imposé comme une obligation absolue. Celles des religions de l’antiquité qui
ont établi un ordre de prêtres distingué des citoyens, dévouaient une race
sacrée, une tribu ou une famille, au service perpétuel des dieux [2264] . De telles
institutions avaient plutôt pour objet d’assurer la possession que d’exciter la
conquête. Les enfants des prêtres, plongés dans une orgueilleuse indolence,
jouissaient de leur saint héritage avec sécurité ; et la brûlante énergie de
l’enthousiasme s’éteignait au milieu des soins, des plaisirs et des sentiments
de la vie domestique. Mais le sanctuaire de l’Église chrétienne s’ouvrait à
tous les candidats ambitieux qui aspiraient aux récompenses du ciel ou à des
possessions dans ce monde. Les emplois du clergé étaient exercés, comme ceux de
l’armée et de la magistrature, par des hommes qui se sentaient appelés par
leurs talents et par leurs dispositions, à l’état ecclésiastique, ou qui
avaient été choisis par un évêque intelligent, comme les plus propres à étendre
la gloire et à servir les intérêts de l’Église. Les évêques jusqu’au moment où
cet abus fut réprimé par la prudence des lois [2265] , jouirent du
droit de contraindre les opiniâtres et
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