Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
sans aucun égard pour
les immunités ecclésiastiques. 3° L’arbitrage des évêques fût reconnu par une
loi positive, et les juges devaient exécuter, sans appel et sans délai, les
décrets épiscopaux, dont la validité avait dépendu jusque-là du consentement
des deux parties. La conversion des magistrats eux-mêmes et de tout l’empire
diminua sans doute peu à peu les craintes et les scrupules des chrétiens ; mais
ils s’adressaient toujours de préférence au tribunal de l’évêque, dont ils
respectaient l’intelligence et l’intégrité. Le vénérable Austin se plaignait
avec complaisance d’être sans cessé interrompu dans ses fonctions spirituelles
par l’occupation délicate, de décider sur la propriété de sommes d’or ou
d’argent, de terres, ou de troupeaux en litige. 4° L’ancien privilège des
sanctuaires fut transféré aux églises chrétiennes, et la pieuse libéralité de
Théodose le jeune l’étendit à toute l’enceinte des terrains consacrés [2284] . Les fugitifs
et même les criminels pouvaient implorer la justice ou la miséricorde de la Divinité
ou de ses ministres ; la violence précipitée du despotisme se trouvait
suspendue par la bienfaisante interposition de l’Église, et la puissante
médiation des évêques pouvait défendre la fortune et la vie des plus illustres
citoyens.
5° L’évêque était le censeur perpétuel des mœurs de son
troupeau. La discipline de pénitence formait un système de jurisprudence
canonique [2285] ,
qui définissait avec soin les devoirs publics et particuliers de la confession,
les conditions de l’évidence, les degrés des fautes et la mesure des punitions.
Le pontife chrétien, chargé de cette tâche, ne pouvait en punissant les fautes
obscures de la multitude respecter les vices éclatants et les crimes
destructeurs du magistrat ; mais il ne pouvait examiner et blâmer la conduite du
magistrat, sans contrôler en même temps l’administration du gouvernement civil.
Quelques considérations de religion, de fidélité ou de crainte, mettaient la
personne sacrée des empereurs à l’abri du zèle et du ressentiment des évêques ;
mais les prélats censuraient et excommuniaient hardiment les tyrans subordonnés
qui n’étaient point décorés de la pourpre. Saint Athanase excommunia un
ministre de d’Égypte ; et l’interdiction du feu et de l’eau qu’il prononça
contre lui fut solennellement proclamée dans les églises de la Cappadoce [2286] . Sous le règne
de Théodose le Jeune, l’éloquent et élégant Synèse, un des descendants
d’Hercule [2287] ,
remplit le siège épiscopal de Ptolémaïs, prés des ruines de l’ancienne Cyrène [2288] , et le prélat
philosophe soutint avec dignité un caractère qu’il avait revêtu avec répugnance [2289] . Il vainquit le
monstre de Libye, le président Andronicus, qui, abusant de l’autorité d’une
charge vénale, inventait chaque jour de nouvelles tortures, de nouveaux moyens
d’exaction et aggravait ainsi le crime de l’oppression par celui du sacrilège [2290] . Après avoir
inutilement essayé de corriger le magistrat par des remontrances pieuses et
modérées, Synèse lança la dernière sentence de la justice ecclésiastique [2291] , qui dévoue
Andronicus, ses complices et leurs familles, à la haine de la terre et du ciel.
Les pécheurs impénitents, plus cruels que Phalaris ou Sennachérib, plus
destructeurs que la guerre, la peste ou une nuée de sauterelles, sont privés du
nom et des privilèges du chrétien, de la participation aux sacrements, et de
l’espoir du paradis. L’évêque exhorte le clergé, les magistrats et le peuple, à
cesser toute société avec les ennemis du Christ, à les exclure de leurs tables
et de leurs maisons, à leur refuser toutes les nécessités de la vie et tous les
honneurs de la sépulture. L’Église de Ptolémaïs, quelque obscure et peu
importante qu’elle puisse paraître, écrit à toutes les Églises du monde, ses
sœurs que les profanes qui rejetteraient ses décrets seraient enveloppés dans
le crime et dans le châtiment d’Andronicus et de ses imitateurs impies. Le
prélat soutint la terreur de ses armes spirituelles en s’adressant adroitement
à la cour de Byzance, et le président, épouvanté, implora la miséricorde de
l’Église. Le descendant d’Hercule eut la satisfaction de relever de terre un
tyran prosterné [2292] .
De tels principes, de pareils exemples préparaient
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