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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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crainte du reproche. Mais il est impossible de calculer le degré
d’influence que put obtenir alors chacun de ces sentiments, et de prononcer
positivement sur des motifs qui échappaient peut- être a celui même dont ils
dirigeaient ou plutôt précipitaient les pas. La méchanceté de ses ennemis avait
excité le mécontentement des soldats ; la révolte de ceux-ci était l’effet
naturel de leur inquiétude et de leur ressentiment. Et, en supposant que, sous
les apparences d’un hasard, Julien eût cherché à cacher des desseins secrets,
il se serait donné, sans nécessité, et probablement sans réussir à tromper
personne, tous les embarras de la plus profonde hypocrisie. Il déclara
solennellement, en présence de Jupiter, du Soleil, de Mars, de Minerve et de
toutes les autres divinités, que jusqu’à la fin du jour qui précéda celui de
son élévation, il ignora le dessein de l’armée [2491] , et il serait
peu généreux de révoquer en doute l’honneur d’un héros et la véracité d’un
philosophe. Cependant une conviction superstitieuse que Constance était
l’ennemi des dieux dont il se flattait d’être lui-même le favori, put le
pousser à désirer, à solliciter, à hâter même l’heureux moment de son règne
marqué pour le rétablissement de l’ancienne religion du genre humain. Lorsqu’il
eut été averti de la conspiration, il se résigna et prit quelques instants de
sommeil ; il a depuis raconté à ses amis qu’il avait vu le génie de l’empire à
sa porte, demandant avec quelque impatience à entrer, et lui reprochant son
défaut de courage et d’ambition [2492] .
Surpris et agité, il s’était mis en prières ; et le grand Jupiter, à qui il les
adressait, lui avait sur-le-champ intimé, par un signe clair et manifeste,
l’ordre de se soumettre à la volonté des dieux et aux désirs de l’armée. Une
conduite qui ne peut être jugée par les maximes ordinaires de la raison excite
nos soupçons, et échappe à nos recherches. Quand l’esprit du fanatisme ; à la
fais si crédule et si artificieux, s’est introduit dans une aime généreuse, il
y détruit insensiblement le germe de la vérité et de toutes les vertus.
    Le nouvel empereur employa les premiers jours de son règne à
modérer le zèle de son parti, à sauver la vie à ses ennemis [2493] , et à
déconcerter, en les méprisant, les entreprises formées contre sa personne et
son pouvoir. Quoique déterminé à conserver le titre qu’il venait de prendre, il
aurait voulu éviter au pays qu’il gouvernait les calamités d’une guerre civile,
ne pas se commettre contre les forces supérieures de Constance, et conserver
une réputation exempte du reproche d’ingratitude et de perfidie. Décoré des
ornements impériaux et environné d’une pompe militaire, il se montra dans le
Champ-de-Mars aux soldats, qui contemplèrent avec enthousiasme, dans leur
empereur, leur élève, leur général et leur ami. Il récapitula leurs victoires,
se montra sensible à leurs peines, enflamma leurs espérances, contint leur
impétuosité, et ne rompit l’assemblée qu’après leur avoir fait solennellement
promettre, si l’empereur de l’Orient consentait à un traité équitable, de
renoncer à- toute conquête, et de se contenter de la paisible possession des
Gaules. D’après cet arrangement, il écrivit, au nom de l’armée et au sien, une
lettre adroite et modérée [2494] .
Deux ambassadeurs, Pentadius, grand-maître des offices, et Eutherius, grand
chambellan, furent chargés de la remettre à Constance, d’examiner ses dispositions,
et de rapporter sa réponse. La lettre de Julien est signée modestement du nom
de César ; niais il réclame positivement, quoique avec respect, la confirmation
du titre d’Auguste ; et, en avouant l’irrégularité de son élection, il excuse à
un certain point le mécontentement et la violence des soldats qui ont arraché
son consentement. Il reconnaît la supériorité de son frère Constance, et
s’engage à lui envoyer annuellement un présent de chevaux l’Espagne, à recruter
tous les ans son armée d’une troupe choisie de jeunes Barbares, et à recevoir
de sa main un préfet du prétoire d’une prudence et d’une fidélité reconnues ;
mais il se réserve la nomination de tous les autres officiers civils et
militaires, le commandement des armées, les revenus et la souveraineté des
provinces au-delà des Alpes. Il invite Constance à consulter les lois de

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