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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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distinguait
sur-le-champ la voix de Jupiter de celle de Minerve, et la figure d’Apollon des
formes d’Hercule [2590] .
Ces songes ou ces visions, effets ordinaires de l’abstinence et de la
superstition, ravalent l’empereur presque au niveau d’un moine égyptien ; mais
ces vaines occupations absorbaient entièrement l’inutile vie d’Antoine et de
Pachôme, tandis que Julien, toujours prêt à sortir d’une de ses rêveries
superstitieuses pour marcher au combat, rentrant ensuite tranquillement dans sa
tente après avoir vaincu les ennemis de Rome, y dictait des lois sages et
salutaires, ou bien exerçait son goût délicat dans les travaux de la
littérature et de la philosophie.
    Il confia le secret important de son apostasie aux initiés attachés à lui désormais par les liens sacrés de l’amitié et de la religion [2591] . L’agréable
nouvelle en fut répandue avec précaution parmi les zélateurs de l’ancien culte
; et, dans toutes les provinces de l’empire, la future grandeur du jeune prince
devint l’objet des espérances, des prières et des prédictions des païens.
C’était du zèle et des vertus de ce royal prosélyte qu’ils attendaient avec
confiance la guérison de tous les maux, le retour de tous les biens ; et, au
lieu de désapprouver la vivacité de leurs pieux désira, leur protecteur avouait
ingénument qu’il souhaitait d’atteindre à un état où il pût être utile à son
pays et à sa religion ; mais »le successeur de Constantin, dont les passions
capricieuses sauvèrent et menacèrent tour à tour la vie de Julien, était
contraire à cette religion. La magie et la divination étaient défendues par un
gouvernement despotique qui daignait s’abaisser à les craindre ; et, comme on
avait eu peine à laisser aux païens l’exercice de leurs superstitions, Julien
se trouvait excepté, par son rang, de la tolérance générale. L’apostat devint
bientôt l’héritier présomptif de la monarchie, et sa mort seule aurait pu
calmer les justes appréhensions des chrétiens [2592] . Mais, aspirant
à la gloire d’un héros plutôt qu’à celle d’un martyr, il crut devoir à sa
sûreté de dissimuler ses opinions religieuses, et les principes accommodants du
polythéisme lui permirent de prendre part au culte public d’une secte qu’il
méprisait au fond de son cœur. Loin de blâmer cette hypocrisie, son ami
Libanius en a fait un sujet d’éloges. L’aimable vérité , dit cet orateur, rentra dans l’esprit de Julien après qu’on l’eut purifié des erreurs et des
folies de son éducation, ainsi qu’on replace dans un temple magnifique les
statues des dieux, souillées autrefois par des ordures. Ses opinions n’étaient
plus les mêmes ; mais comme il eût été dangereux de les avouer. il ne changea
pas de conduite. Bien différent de l’âne d’Ésope, qui se cachait sous la peau
d’un lion, notre lion fut contraint de se couvrir de la peau d’un âne, et,
quoiqu’il eût adopté les maximes de la raison, d’obéir aux lois de la prudence
et de la nécessité [2593] .
La dissimulation de Julien dura plus de dix ans, depuis son initiation secrète
à Éphèse jusqu’au commencement de la guerre civile : à cette époque, il se
déclara tout à coup l’ennemi implacable du Christ et de Constance. Cet état de
gêne donna peut-être une nouvelle force à sa dévotion, et après s’être montré,
au : jours solennels, dans les assemblées des chrétiens, il allait, avec
l’impatience de l’amour, brûler un encens libre et volontaire sur les autels
domestiques de Jupiter et de Mercure. Comme toute espèce de dissimulation est
pénible à un caractère né pour la franchise, Julien, obligé de professer le
christianisme, n’en eut que plus d’aversion pour une religion qui opprimait la
liberté de son esprit et le forait à un déguisement contraire à la sincérité et
au courage, les plus nobles attributs de la nature humaine.
    Julien croyait bien avoir le choit de préférer les dieux
d’Homère et des Scipions à la nouvelle religion que son oncle avait établie
dans l’empire, et dans laquelle il avait reçu lui-même le sacrement du baptême.
Il jugea cependant, en sa qualité de philosophe, devoir justifier son opinion
contre le christianisme, qui se trouvait défendu par un grand nombre de
prosélytes ; par la chaîne des prophéties, l’éclat des miracles, et l’imposante
autorité d’une foule de témoignages. L’ouvrage soigné

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