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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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mais
l’exécution n’en était pas facile : des pluies continuelles avaient
prodigieusement augmenté le cours du Danube, dont la largeur s’étend, en cet
endroit, à plus d’un mille [3066] ; et dans ce passage tumultueux, un grand nombre d’individus périrent, emportés
par la violence du courant. Une foule de vaisseaux, de bateaux et de canots,
passaient et repassaient nuit et jour d’un rivage à l’autre, et les officiers
de Valens veillèrent, avec le soin le plus actif, à ce qu’il ne demeurât pas
sur l’autre rive un seul de ces Barbares destinés à renverser l’empire romain
jusque dans ses fondements. On essaya de prendre une liste exacte du nombré des
émigrants ; mais ceux qui en furent chargés renoncèrent avec effroi à cette
impraticable et interminable entreprise [3067] ; et le principal historien de ce siècle affirme sérieusement que la multitude
innombrable des Goths pouvait faire croire aux prodigieuses armées de Darius et
de Xerxès, regardées jusqu’alors comme de vaines fables adoptées par une
antiquité crédule. Un dénombrement qui paraît assez probable fait monter les
guerriers des Goths à deux cent mille hommes : en ajoutant une juste proportion
de femmes, d’enfants et d’esclaves, la totalité de cette redoutable émigration
peut être évaluée à un million de personnes de tout sexe et de tout âge. Les
enfants, du moins ceux des personnages au-dessus du commun, furent séparés du
reste du peuple ; on les conduisit sans délai dans les différents endroits
choisis pour leur résidence et leur éducation, et sur toute leur route, ces
otages ou ces captifs excitèrent, par leur riche et brillante parure, par leur
figure robuste et martiale, l’étonnement et l’envie des habitants des provinces.
Mais la clause la plus humiliante pour les Barbares, et la plus importante pour
les Romains, fut honteusement éludée. Les Goths, croyant leur gloire et leur
sûreté également intéressées à la conservation de leurs armes, se montrèrent
disposés à les racheter d’un prix bien propre à tenter les désirs ou l’avarice
des officiers impériaux. Pour conserver leurs armes, ces orgueilleux Barbares
consentirent, bien qu’avec quelque répugnance, à prostituer leurs femmes et
leurs filles. Les charmes d’une jeune beauté, ou ceux d’un jeune garçon,
étaient des moyens infaillibles pour s’assurer la connivence des inspecteurs,
dont la cupidité était aussi excitée quelquefois par les tapis ornés de franges
ou par les toiles précieuses que possédaient leurs nouveaux alliés, ou bien
dont, le devoir était sacrifié à l’avidité méprisable de remplir leurs maisons
d’esclaves ou leurs fermes de troupeaux [3068] .
Les Goths passèrent dans les bateaux les armes à la main ; et quand ils se
trouvèrent tous rassemblés sur le bord opposé du fleuve, leur vaste camp,
répandu sur la plaine et sur les hauteurs de la Basse Mœsie, offrait l’aspect
menaçant d’une armée ennemie. Les chefs des Ostrogoths, Saphrax et Alathæus,
qui avaient sauvé leur jeune roi, parurent peu de temps après sur la rive septentrionale
du Danube, et envoyèrent immédiatement leurs ambassadeurs à Valens, pour
solliciter, avec les mêmes protestations de reconnaissance et de fidélité, une
faveur pareille à celle qui avait été accordée aux supplications des Visigoths
; mais le refus absolu de l’empereur suspendit leur marche, et découvrit le
repentir, les craintes et les soupçons de son conseil.
    Une nation de Barbares, sans asile et sans discipline,
exigeait des mesures à la fois les plus fermes et les plus adroites. On ne
pouvait suffire à la subsistance journalière d’un million de nouveaux sujets
que par une prévoyance active que le, moindre accident ou la moindre méprise
était susceptible de déranger. Il était également dangereux d’exciter, par
l’apparence de la crainte ou du mépris, l’insolence ou l’indignation des Goths
; et le salut de l’État semblait dépendre de la prudence et de l’intégrité des
généraux de Valens. Dans cette circonstance difficile, le gouvernement
militaire de la Thrace était confié à Maxime et à Lupicinus, dont les âmes
vénales eussent sacrifié toute considération du bien public à l’espoir du plus
léger profit, et dont la seule excuse était leur incapacité, qui leur dérobait
les pernicieuses conséquences de leur coupable administration. Au lieu d’obéir
aux ordres de l’empereur, et

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