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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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de satisfaire avec une honorable générosité aux
demandes des Goths, ils se firent bassement et cruellement un revenu des
besoins de ces Barbares affamés ; les vivres les plus communs se vendirent
à un prix exorbitant ; au lieu de viandes saines et nourrissantes, on
remplissait les marchés de chair de chien et d’animaux dégoûtants morts de
maladie. Pour obtenir une livre de pain, un Goth sacrifiait souvent la
possession d’un esclave utile, mais qu’il ne pouvait pas nourrir, et une très
petite quantité de viande s’évaluait jusqu’à dix livres d’un métal précieux,
mais devenu inutile [3069] .
Quand ils eurent épuisé tous les autres moyens, ils vendirent, pour subsister,
leurs enfants des deux sexes ; et, malgré l’amour de la liberté qui brûlait dans
leurs cœurs, les Goths se soumirent à cette humiliante maxime, qu’il valait
mieux que leurs enfants fussent nourris dans la servitude, que de les laisser
mourir de faim dans l’indépendance. C’est un ressentiment bien vif que celui
qu’excite la tyrannie d’un prétendu bienfaiteur, lorsqu’il exige encore de la
reconnaissance pour un service qu’il a effacé par des injures. Un esprit de
mécontentement s’éleva insensiblement dans le camp des Barbares fatigués de
faire valoir sans succès le mérite de leur patience et de leur respect ; ils
commencèrent à se plaindre hautement du traitement indigne qu’ils recevaient de
leurs nouveaux alliés, et jetèrent autour d’eux les yeux sur ces riches et
fertiles provinces au milieu desquelles on leur faisait souffrir toutes les
horreurs d’une famine artificielle : mais ils avaient encore entre les mains
des moyens de salut et même de vengeance, puisque l’avarice de leurs tyrans, en
les outrageant, leur avait laissé leurs armes. Les clameurs d’une multitude peu
accoutumée à déguiser ses sentiments, annoncèrent les premiers symptômes de la
résistance, et jetèrent l’épouvante dans l’âme timide et criminelle de Maxime
et de Lupicinus. Ces ministres artificieux, substituant la ruse de quelques
expédients momentanés à la sagesse d’un plan général, essayèrent d’éloigner les
Goths des frontières de l’empire, et de les disperser en différents
cantonnements situés dans l’intérieur des provinces. Sentant bien qu’ils
avaient peu mérité le respect ou l’obéissance des Barbares, ils rassemblèrent à
la hâte une force militaire capable de hâter la marche tardive d’un peuple qui,
obéissant avec répugnance, n’avait cependant pas encore renoncé au titre et aux
devoirs de sujets de l’empire romain : mais les généraux de Valens, uniquement
occupés du ressentiment des Visigoths, eurent l’imprudence de désarmer les
vaisseaux et les forts qui défendaient le passage du Danube. Ce fatal oubli fut
promptement aperçu et mis à profit par Saphrax et Alathæus, qui guettaient avec
inquiétude le moment favorable d’échapper à la poursuite des Huns. A l’aide des
bateaux et des radeaux qu’ils purent rassembler à là hâte, les chefs des
Ostrogoths transportèrent, sans opposition, leur jeune roi et leur armée, et
les Romains virent un camp indépendant et téméraire se fixer audacieusement sur
leurs terres [3070] .
    Sous le nom de juges, Alavivus et Fritigern gouvernaient les
Visigoths en temps de guerre et en temps de paix, et le consentement libre de
la nation avait ratifié le pouvoir qu’ils tenaient de leur naissance. Dans un temps
de tranquillité, leur autorité aurait pu être égale ainsi que leur rang. Mais
lorsque la faim et l’oppression eurent porté le désespoir dans l’âme des
Visigoths, Fritigern, fort supérieur en talents à son collègue, prit seul le
commandement militaire, dont il était capable de faire usage pour le bien
public. Il suspendit l’impétuosité des Visigoths jusqu’au moment où les
insultes de leurs oppresseurs pourraient justifier la résistance dans l’opinion
publique : mais il n’était plus disposé à sacrifier à une vaine réputation de
justice et de modération des avantages d’une solidité plus réelle. Sentant de
quelle utilité serait à son parti la réunion de tous les Goths sous les mêmes
étendards, il cultiva secrètement l’amitié des Ostrogoths ; et, affectant d’obéir
aveuglément aux ordres des généraux romains, il avança lentement avec son armée
jusqu’à Marcianopolis, capitale de la Basse Mœsie, environ à soixante-dix
milles du Danube, et ce fut en ce

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