Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Pulchérie fit vœu de virginité ; et, malgré quelques soupçons
vagues sur la chasteté de cette princesse [3793] ,
sa résolution, adoptée par ses deux sœurs, Arcadie et Marine, fut célébrée par
les chrétiens comme le plus sublime effort de la piété. En présence du peuple
et du clergé, les trois sœurs d’Arcadius [3794] dédièrent à Dieu leur virginité ; et ce vœu solennel fut inscrit sur des
tablettes d’or enrichies de pierres précieuses, dont les princesses firent
publiquement l’offrande dans la cathédrale de Constantinople. Le palais devint
un monastère ; et tous les hommes, excepté ceux qui dirigeaient la conscience
des princesses, et les saints qui avaient parfaitement oublié la différence des
sexes, en furent scrupuleusement exclus. Pulchérie, ses deux sœurs et une suite
choisie de filles d’une naissance distinguée, formèrent une communauté
religieuse, et renoncèrent aux plaisirs mondains de la parure. Malgré la
frugalité de leur nourriture ordinaire, elles jeûnaient souvent, employaient
une partie de leur temps à des ouvrages de broderie, et consacraient plusieurs
heures du jour et de la nuit à prier et à réciter des Psaumes. Aux vertus d’une
vierge chrétienne, Pulchérie joignait le zèle et la libéralité d’une
souveraine. L’histoire ecclésiastique donne le détail des églises magnifiques
que l’impératrice fit construire dans toutes les provinces de l’Orient, de ses
charitables fondations en faveur des pauvres et des étrangers, des donations
considérables qu’elle fit aux monastères, et de ses pieux efforts pour détruire
les hérésies opposées d’Eutychès et de Nestorius. Tant de vertus semblaient
mériter la faveur particulière de la Divinité [3795] ; et la pieuse
impératrice en obtint en songe, ou dans des visions, la découverte des saintes
reliques des martyrs et la connaissance d’une partie des événements futurs.
Cependant la dévotion n’empêchait point Pulchérie de veiller, avec une
attention infatigable, aux affaires du gouvernement ; et cette princesse est la
seule des descendants du grand Théodose qui semble avoir hérité d’une partie de
son courage et de ses talents. Elle avait acquis l’usage familier des langues
grecque et latine, dont elle se servait avec grâce dans ses discours et dans
ses écrits relatifs aux affaires publiques. La prudence présidait toujours à se
délibérations ; son exécution était prompte et décisive. Faisant mouvoir sans
bruit et sans ostentation les rouages du gouvernement, elle attribuait
discrètement au génie de l’empereur la longue tranquillité de son règne. Dans
les dernières années de sa paisible vie, l’Europe souffrit beaucoup de
l’invasion d’Attila ; mais la paix continua toujours de régner dans les vastes
provinces de l’Asie : Théodose le jeûne ne fut jamais réduit à la cruelle
nécessité de combattre ou de punir un sujet rebelle ; et si nous ne pouvons
louer Pulchérie d’une grande vigueur dans son administration, la douceur de
cette administration prospère mérite du moins quelques éloges.
L’éducation du jeune Théodose intéressait tout l’empire. Un
plan d’études et d’exercices judicieusement disposé, partagea son temps entre
l’équitation, l’art de tirer de l’arc, et l’étude de la grammaire, de la
rhétorique et de la philosophie ; les plus habiles maîtres de l’Orient
s’empressèrent d’instruire leur auguste élève, qui reçut leurs leçons en commun
avec plusieurs jeunes gens de la plus haute distinction, introduits dans le
palais pour animer l’empereur par l’émulation de l’amitié. Pulchérie se réserva
soin d’instruire son frère dans l’art de gouverner ; mais ses préceptes
autorisent à révoquer en doute l’étendue de sa capacité ou la pureté de ses
intentions. Elle lui apprit à conserver un maintien grave et imposant, à
marcher, à porter sa robe et à s’asseoir sur son trône d’une manière convenable
à un grand prince, à s’abstenir de rire, à écouter avec complaisance, à faire
des réponses convenables à prendre tour à tour l’air affable ou sérieux ; en un
mot, à représenter dans toutes les circonstances, avec grâce et avec dignité,
l’extérieur d’un empereur romain : mais on n’inspira point à Théodose [3796] le désir d’en
mériter le nom et d’en soutenir la gloire. Au lieu d’aspirer à égaler ses
ancêtres, on peut dire, s’il est permis dans un tel
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