Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
furent
redemandés avec hauteur et généreusement refusés. Ce refus, aggravé par
quelques différends relatifs à des intérêts commerciaux, fit bientôt éclater la
guerre entre les deux puissances rivales. Leurs armées couvrirent les montagnes
de l’Arménie et les plaines de la Mésopotamie ; mais les opérations de deux
campagnes consécutives ne produisirent aucun événement décisif ou mémorable :
on livra quelques combats, on forma quelques siéges, mais avec des succès
divers et douteux. Si les Romains essayèrent inutilement de reprendre Nisibis,
qu’ils avaient perdue depuis longtemps, les Perses ne réussirent pas mieux
devant une ville de Mésopotamie, défendue par son vaillant évêque, qui
foudroyait les assiégeants au nom de l’apôtre saint Thomas. Cependant le
messager Palladius apportait sans cesse à Constantinople, avec une incroyable
rapidité, de brillantes nouvelles de victoires, toujours suivies de fêtes, et
de panégyriques. Les historiens du siècle ont pu puiser dans ces panégyriques [3805] leurs récits
extraordinaires et peut-être fabuleux, le défi d’un héros persan que le Gotht
Areobinde tua après l’avoir pris dans son filet, le carnage des dix mille
immortels tués et l’attaque du camp des Romains, et la’ fuite des cent mille
Arabes ou Sarrasins qui, frappés de terreur, se précipitèrent dans l’Euphrate.
On peut révoquer en douté ou négliger de tels événements ; mais on ne doit
point passer sous silence la charité d’Acace, évêque d’Amida, dont le nom
aurait dû honorer le calendrier. Ce digne prélat osa déclarer que des vases
d’or et d’argent étaient inutiles à un Dieu, qui ne boit ni ne mange, vendit
tous ceux de son église racheta du produit de cette vente sept mille Persans
captifs, leur fournit avec une gendre libéralité tout ce dont ils avaient
besoin, et les renvoya dans leur patrie apprendre au monarque persan quel était
le véritable esprit de la religion qu’il persécutait. Des actes de bienfaisance
exercés au milieu des fureurs de la guerre doivent toujours réussir à diminuer
l’animosité des nations ennemies, et je me plais à croire que la générosité
d’Acace contribua au rétablissement de la paix. Dans la conférence tenue sur
les confins des deux empires, les ambassadeurs romains donnèrent une idée bien
méprisable du caractère de leur souverain en voulant exagérer l’étendue de sa
puissance ; ils conseillèrent sérieusement aux Persans de prévenir par une
prompte conciliation la colère de Théodose, qui n’était pas encore instruit de
cette guerre éloignée. Une trêve de cent ans fut solennellement ratifiée ; et
quoique la tranquillité publique ait été menacée par les révolutions de
l’Arménie, cependant les successeurs d’Artaxerxés et de Constantin
respectèrent, durant près de quatre-vingts années, les conditions principales
de ce traité.
Depuis le premier combat entre les Parthes et les Romains,
sur les bords de l’Euphrate, les puissants protecteurs de l’Arménie [3806] l’opprimèrent
tour à tour. Nous avons déjà rapporté, dans le cours de cette Histoire, une
partie des événements qui contribuèrent tantôt à la guerre, tantôt à la paix.
Un train déshonorant avait cédé à l’ambitieux Sapor la possession de l’Arménie,
et la puissance de la Perse eut un moment la prépondérance : mais les
descendants d’Arsace obéissaient avec impatience à la postérité de
Sassan ; les nobles, turbulents soutenaient et abandonnaient tour à tour
leur indépendance héréditaire, et les peuples conservaient encore de l’attachement
pour les princes chrétiens de Constantinople. Au commencement du cinquième
siècle, la guerre et les factions déchirèrent l’Arménie [3807] , et ces
divisions intestines précipitèrent la chute de cette ancienne monarchie.
Chosroês, vassal du monarque persan, régnait à l’orient sur la partie la plus
considérable de ce royaume, et les provinces moins étendues de l’occident
étaient soumises à l’autorité d’Arsace et à la suprématie de l’empereur
Arcadius. Après la mort d’Arsace, les Romains supprimèrent la monarchie nationale,
et les alliés de l’empire devinrent ses sujets. Le commandement militaire de
cette province fut attribué au comte militaire de la frontière d’Arménie ; on
bâtit dans une situation avantageuse, sur un terrain élevé et fertile, près des
sources de l’Euphrate, la ville de
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