Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
du roi des Huns étaient allés, par ses ordres, ratifier un traité
d’alliance, et une société d’armes avec l’empereur, ou plutôt avec le général
de l’Occident ; ils racontèrent, durant leur séjour à Rome, les circonstances d’une
de leurs expéditions récentes dans l’Orient. Après avoir passé le désert et un
marais, que les Romains supposèrent être le lac Méotis, ils avaient traversé
les montagnes, et étaient arrivés au bout de quinze jours sur les confins de la
Médie, et s’étaient avancés jusqu’aux villes inconnues de Basic et de Cursic.
Ils rencontrèrent l’armée des Persans dans les plaines d’Arménie ; et, selon
leur propre expression, l’air fut obscurci par un nuage de traits. Les Huns
cédèrent à la supériorité du nombre ; leur retraite pénible se fit par
différents chemins ; ils perdirent la plus grande partie de leur butin, et se
retirèrent enfin dans le camp royal avec quelque connaissance du pays, et un
impatient désir de vengeance. Dans la conversation familière des ambassadeurs
impériaux, qui discutèrent entre eux à la cour d’Attila le caractère de ce
prince et les vues de son ambition, les ministres de Constantinople montrèrent
l’espérance de voir ses forces occupées longtemps dans une guerre difficile et
douteuse contre les princes de la maison de Sassan ; mais les Italiens, plus
prévoyants, leur firent sentir l’imprudence et le danger d’une semblable
espérance, leur démontrèrent que les Mèdes et les Persans étaient incapables de
résister aux Huns, et que cette conquête facile augmenterait la puissance et
l’orgueil du vainqueur, qui, au lieu de se contenter d’une faible contribution
et du titre de général de Théodose en viendrait bientôt à imposer un joug
honteux et intolérable aux Romains humiliés et captifs, dont l’empire se
trouvait de toutes parts resserré par celui des Huns [3877] .
Tandis que les puissances de l’Europe et de l’Asie
cherchaient à détourner le danger qui les menaçait, l’alliance d’Attila
maintenait les Vandales dans la possession de l’Afrique. Les cours de Ravenne
et de Constantinople, avaient réuni leurs forces pour recouvrer cette précieuse
province, et les ports de la Sicile étaient déjà remplis des vaisseaux et des
soldats de Théodose ; mais le rusé Genseric, dont les négociations s’étendaient
dans toutes les parties du monde, prévint cette entreprise en excitant le roi
des Huns à envahir l’empire d’Orient, et un événement de peu d’importance
devint le motif et le prétexte d’une guerre sanglante [3878] . En conséquence
du traité de Margus, on avait ouvert un marché franc sur la rive septentrionale
du Danube, protégée par une forteresse romaine, nommée Constantia . Une
troupe de Barbares viola la sûreté du commerce, tua ou dispersa les marchands,
et détruisit totalement la forteresse. Les Huns représentèrent cet outrage
comme un acte de représailles, et alléguèrent que l’évêque de Margus était
entré sur leur territoire, où il avait découvert et dérobé le trésor secret de
leurs rois. Ils exigèrent qu’on leur restituât le trésor, et qu’on leur livrât
le prélat et les sujets fugitifs qui avaient échappée à la justice d’Attila.
Le, refus de la cour de Byzance fut le signal de la guerre, et les habitants de
la Mœsie applaudirent d’abord à la généreuse fermeté de leur souverain ; mais
dès que la destruction de Viminiacum et des villes voisines les eut avertis de
leur propre danger, ils adoptèrent une morale plus relâchée, et prétendirent
qu’on pouvait sacrifier justement un simple citoyen, bien qu’innocent et
respectable à la sûreté de tout un pays. L’évêque de Margus, qui n’aspirait
point à la couronne du martyre, soupçonna leur dessein ; et résolut de le
prévenir, il osa traiter, avec les princes des Huns, s’assura des serments
solennels, de son pardon et d’une récompense, posta secrètement un corps
nombreux de Barbares sur les bords du Danube, et, à une heure convenue, ouvrit
de sa propre main les portes de la ville. Cet avantage, obtenu par une
trahison, servit de prélude à des victoires plus honorables et plus décisives.
Une ligne de châteaux ou forteresses protégeait les frontières de l’Illyrie,
et, quoique la plupart ne consistassent que dans une tour défendue par une
faible garnison, elles suffisaient ordinairement à repousser ou arrêter les
incursions d’ennemis
Weitere Kostenlose Bücher