Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
de leur vénération. Quoique les Huns
méprisassent la mort, ils craignaient les maladies ; et la fierté du vainqueur
disparaissait devant un captif à qui il supposait le pouvoir de lui sauver ou
de lui prolonger la vie [3890] .
Un Barbare pouvait maltraiter, dans un moment de colère, l’esclave dont il
était le maître absolu ; mais les mœurs des Huns n’admettaient pas un système
d’oppression, et ils récompensaient souvent par le don de la liberté le courage
ou l’activité de leur captif. L’historien Priscus [3891] , dont
l’ambassade offre une source féconde d’instruction fut accosté dans le camp
d’Attila par un étranger qui le salua en langue grecque, mais dont la figure et
l’habillement annonçaient un riche habitant de la Scythie. Au siège de
Viminiacum, il avait perdu, comme il le raconta lui-même, sa fortune et sa
liberté. Onegesius, dont il devint l’esclave, récompensa les services qu’il lui
rendit contre les Romains et contre les Acatzires, en l’élevant au rang des
guerriers nés parmi les Huns, auxquels il s’était attaché depuis par les liens
du mariage et de la paternité. La guerre lui avait rendu avec usure la fortune
qu’elle lui avait enlevée ; son ancien maître l’admettait à sa table, et
l’apostat grec bénissait une captivité qui l’avait conduit à une situation
heureuse et indépendante, et sans autre charge que l’honorable devoir de porter
les armes pour son nouveau pays. Son récit fut suivi d’une discussion sur les
avantages et sur les défauts du gouvernement romain, que l’apostat censurait
avec véhémence, et que Priscus ne défendit que par de faibles et prolixes
déclamations. L’affranchi d’Onegesius peignit des plus vives couleurs les vices
d’un empire chancelant, vices dont il avait été si longtemps la victime ; la
cruelle absurdité des empereurs, qui, trop faibles pour protéger leurs sujets,
leur refusaient des armes pour se défendre ; le poids excessif clés
contributions ; rendit encore plus insupportable par des modes de perception ou
compliqués ou arbitraires, l’obscurité d’une foule de lois qui se détruisaient
mutuellement, les formalités lentes et ruineuses de la justice, et la
corruption générale qui augmentait l’influence du riche et aggravait
l’infortuné du pauvre. Un sentiment d’amour de la patrie se ranima un instant
dans le cœur de cet heureux exilé, et il déplora, en versant un torrent de
larmes, le crime ou la faiblesse des magistrats qui avaient perverti les
institutions les plus sages et les plus salutaires [3892] .
La politique timide et honteuse des Romains de l’Occident
avait abandonné l’empire d’Orient aux ravages des Barbares [3893] . Le monarque
n’avait rien dans son caractère qui pût suppléer à la perte des armées et au
défaut de courage et de discipline. Théodose, qui prenait sans doute encre le
ton convenable à son titre d’ invincible Auguste qu’il n’avait pas
quitté, fut réduit à solliciter la clémence d’Attila : celui-ci dicta
impérieusement les conditions d’une paix ignominieuse. 1° L’empereur d’Orient
céda, par une convention, soit expresse, soit tacite, un vaste et utile
territoire qui s’étendait le long des rives méridionales du Danube, depuis
Singidunum ou Belgrade jusqu’à Novæ, dans le diocèse de la Thrace. La largeur
fût énoncée vaguement par l’expression de quinze jours de marche ; mais la
proposition que fit Attila de changer le lieu du marché national, prouva
bientôt qu’il comprenait les ruines de Naissus dans les limites de ses nouveaux
États. 2° Le roi des Huns exigea et obtint que le tribut annuel de sept cents
livres pesant d’or serait porté à deux mille cent livres ; et il stipula le
paiement immédiat de six mille livres d’or pour l’indemniser des frais de la
guerre, ou remplacer le vol qui en avait été le prétexte. On imaginerait
peut-être que l’opulent empire d’Orient acquitta sans peine une demande qui
égalait à peine la fortune de certains particuliers ; mais la difficulté de
réaliser cette faible somme offrit une preuve frappante du dépérissement ou du
désordre des finances. Une grande partie des contributions qu’on arrachait au
peuple, était interceptée par les manœuvres les plus coupables, et n’arrivait
point dans le trésor impérial. Théodose dissipait son revenu avec ses favoris,
en profusion et en faste inutile, toujours déguisés sous le nom de
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