Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
roi des Huns fît peu de cas
des sciences et de la philosophie, il regretta peut-être que la barbare
ignorance de ses sujets fut incapable de perpétuer le souvenir de ses exploits.
En tirant une ligne de séparation entre les climats sauvages
et les nations civilisées, entre les habitants des villes qui cultivaient les
terres et les hordes de pâtres et de chasseurs qui vivaient sous des tentes, on
peut donner légitimement à Attila le titre de monarque suprême universel des
Barbares [3873] .
Il est le seul des conquérants anciens et modernes qui ait réuni sous sa
puissance les vastes royaumes de la Scythie et de la Germanie ; et ces
dénominations vagues, lorsqu’on les applique au temps de son règne, peuvent
s’entendre dans le sens le plus étendu. Attila comptait au nombre de ses
provinces la Thuringe, qui n’était bornée alors que par lés rives du Danube.
Les Francs le regardaient comme un voisin redoutable, dont ils respectaient
l’intervention dans leurs démêlés intérieurs, et un de ses lieutenants châtia
et même extermina presque entièrement les Bourguignons qui habitaient sur les
bords du Rhin. Il avait soumis les îles de l’Océan et les royaumes de la
Scandinavie, environnés et séparés par les eaux de la mer Baltique. Les Huns
pouvaient tirer un tribut de fourrures de ces contrées septentrionales,
défendues jusqu’alors contre l’avidité des conquérants par le courage des
peuples et par la rigueur du climat. Du côté de l’orient, il est difficile
d’assigner une limite à l’autorité d’Attila sur les déserts de la Scythie ;
nous pouvons cependant affirmer qu’elle était reconnue sur les bords du Volga ;
que ces peuples redoutaient le monarque des Huns comme guerrier et comme magicien [3874] ; qu’il attaqua
et vainquit le khan des redoutables Geougen, et qu’il envoya des ambassadeurs à
la Chine pour y négociés sur le pied d’égalité un traité d’alliance. Dans le
nombre, des nations qui obéissaient au roi des Huns, et qui, pendant sa vie, ne
formèrent jamais la pensée de secouer le joug, on compte les Gépides et les
Ostrogoths, distingués par leur nombre, leur valeur et le mérite personnel de
leurs chefs. Le célèbre Ardaric, roi des Gépides, était le conseiller sage et
fidèle du monarque, qui estimait autant son caractère intrépide qu’il aimait
les vertus douces et modestes de Walamir, roi des Ostrogoths. La foule de rois
obscurs, les chefs de tribus guerrières qui servaient sous les drapeaux
d’Attila, se rangeaient autour de lui dans l’humble contenance de gardes ou de
domestiques attentifs à tous ses regards, ils tremblaient au moindre signe de
mécontentement, et au premier signal ils exécutaient ses ordres les plus
sévères sans se permettre un murmure. En temps de paix, un certain nombre de
princes dépendants se rendaient tour à tour et à des temps fixes sous ses
drapeaux, et formaient la garde de son camp avec leurs troupes nationales ;
mais lorsque Attila rassemblait toutes ses forces militaires, son armée se
trouvait composée de cinq, ou, selon d’autres, de sept cent mille Barbares [3875] .
Les ambassadeurs des Huns pouvaient réveiller l’attention de
Théodose, en lui rappelant qu’ils étaient, ses voisins en Europe et en Asie,
qu’ils s’étendaient d’un côté jusqu’au Danube et de l’autre jusqu’au Tanaïs.
Sous le règne de son père Arcadius, une bande audacieuse de Huns avait ravagé
les provinces de l’Orient, d’ou ils s’étaient retirés avec d’immenses
dépouilles et une multitude de captifs [3876] ; ils s’étaient avancés, par un chemin secret, le long des côtés de la mer
Caspienne, avaient traversé les montagnes de l’Arménie en tout temps couvertes
de neige, et passé le Tigre, l’Euphrate et le Halys : ils avaient remonté
leur cavalerie fatiguée d’excellents chevaux de Cappadoce, avaient occupé les hauteurs
de la Cilicie, et interrompu les chants et les danses joyeuses des habitants
d’Antioche. Leur approche fit trembler l’Égypte ; les moines et les pèlerins de
la Terre Sainte se hâtèrent de s’embarquer pour éviter leurs fureurs. Les
Orientaux se souvenaient encore avec terreur de cette invasion. Les sujets
d’Attila pouvaient exécuter avec des forces supérieures l’entreprise de ces
audacieux aventuriers, et l’on fut bientôt dans l’inquiétude de savoir si la
tempête fondrait sur les Persans ou sur les Romains. Quelques-uns des grands
vassaux
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