Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
peindre ici le caractère et les
exploits de ce redoutable Barbare, qui attaqua et envahit alternativement
l’Orient et l’Occident, et hâta la chute de l’empire romain.
Dans ce torrent d’émigrations successives qui se précipitaient
continuellement des confins de la Chine sur ceux de la Germanie, on voit les
tribus les plus puissantes et les plus peuplées s’arrêter d’ordinaire sur les
confins des provinces romaines. Des barrières artificielles soutinrent quelque
temps le poids accumulé de cette multitude. La facile condescendance des
empereurs excitait, sans la satisfaire, l’avidité insolente de ces Barbares,
qui avaient goûté des jouissances de la vie civilisée. Les Hongrois, qui
prétendent compter Attila au nombre de leurs rois, peuvent affirmer avec vérité
que les hordes qui obéissaient à son oncle Roas ou Rugilas, ont campé dans les
limites de la Hongrie moderne [3862] ,
et occupé un pays fertile qui fournissait abondamment aux besoins d’un peuple
de pâtres et de chasseurs. Dans cette situation avantageuse, Rugilas et ses
frères ajoutaient continuellement à leur puissance et à leur réputation ; ce
monarque menaçait sans cesse les deux empires, et les forçait alternativement à
la guerre et à la paix. Son amitié pour le célèbre Ætius cimenta l’alliance
qu’il conclut avec les Romains de l’Occident. Ætius trouvait toujours dans le
camp des Barbares un asile sûr et un secours puissant. Ce fut à sa
sollicitation que soixante mille Huns s’avancèrent vers l’Italie pour soutenir
la cause de l’usurpateur Jean, et firent payer cher à l’État leur marche et
leur retraite. La politique reconnaissance d’Ætius abandonna à ses fidèles
alliés la possession de la Pannonie. Les Romains de l’Orient ne redoutaient pas
moins les entreprises de Rugilas, qui menaça leurs provinces et même leur
capitale. Quelques écrivains ecclésiastiques on employé la foudre [3863] et la peste à
détruire les Barbares ; mais Théodose fut contraint d’avoir recours à de plus
humbles moyens et de stipuler un paiement annuel de trois cent cinquante livres
pesant d’or ; tribut dont il déguisa la honte en donnant le titre de général
romain au roi des Huns, qui daigna l’accepter. L’indocilité des Barbares et les
intrigues perfides de la cour de Byzance troublèrent fréquemment la
tranquillité publique. Quatre nations, parmi lesquelles nous pouvons compter
les Bavarois, secouèrent le joug des Huns, et les Romains encouragèrent cette
révolte par leur alliance : mais le formidable Rugilas fit entendre
efficacement ses réclamations par la voix d’Eslaw, son ambassadeur. Le sénat
vota unanimement pour la paix ; l’empereur ratifia son décret, et l’on nomma
deux ambassadeurs, le général Plinthas, Scythe d’extraction, mais ayant le rang
de consulaire, et le questeur Iphigènes, politique habile et expérimenté, que
l’ambitieux Plinthas avait demandé pour collègue.
La mort de Rugilas suspendit les négociations. Ses deux
neveux, Attila et Bleda, qui succédèrent au trône de leur oncle, consentirent à
une entrevue avec les ambassadeurs de Constantinople ; et sans daigner
descendre de cheval, ils traitèrent au milieu d’une vaste plaine, dans les
environs de Margus, ville de la Haute-Mœsie. Tous les avantages de cette
négociation furent pour les rois des Huns, de même que tous les honneurs
avaient été de leur côté. Ils dictèrent les conditions de la paix, dont chacune
était un outrage à la majesté de l’empire. Outre la franchise d’un marché sûr
et abondant sur les bords du Danube, ils exigèrent que la contribution annuelle
fût portée de trois cent cinquante à sept cents livres pesant d’or, qu’on payât
pour tous les captifs romains qui s’étaient échappés des fers des Barbares une
amende ou rançon de huit pièces d’or par tête ; que l’empereur renonçât à tout
traité d’alliance avec les ennemis des Huns, et qu’il fit rendre sans délai
tous les fugitifs qui s’étaient réfugiés à sa cour ou dans ses provinces. On
exécuta rigoureusement cette clause sur quelques jeunes infortunés d’une race
royale, qui furent crucifiés sur les terres de l’empire, par les ordres
d’Attila. Après avoir imprimé chez les Romains la terreur de son nom, le roi
des Huns leur accorda une tranquillité précaire ; tandis qu’il domptait les
provinces rebelles ou indépendantes de la Scythie ou de la Germanie [3864]
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