Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
les
bandes indisciplinées, volontaires ou mercenaires, qui suivirent les drapeaux
de Syagrius, étaient incapables de résister au courage national des Francs. Il
serait injuste de condamner la fuite de Syagrius, sans connaître ses forces ou
ses ressources. Après la perte de la bataille, il courut se réfugier à la cour
de Toulouse. La faible minorité d’Alaric ne put ni le secourir ni le protéger.
Les pusillanimes Goths [4293] se laissèrent intimider par les menaces de Clovis, et, après un court
emprisonnement le rai romain fût livré à l’exécuteur. Les villes de la Gaule
belgique se soumirent au roi des Francs, et, Clovis réunit à ses États, du côté
de l’orient, le vaste diocèse de Tongres [4294] ,
dont il s’empara dans la dixième année de son règne.
On a mal à propos attribué l’origine du nom des Allemands à
leur établissement imaginaire sur les bords du lac Léman [4295] . Cette heureuse
terre, depuis le lac jusqu’à Avenche et au mont Jura, était occupée par les
Bourguignons [4296] .
Les féroces Allemands avaient à la vérité envahi la partie septentrionale de
l’Helvétie, et avaient détruit de leurs propres mains le fruit de leur
conquête. Une province embellie et civilisée par les Romains redevint déserte
et sauvage. On aperçoit encore dans la fertile vallée de l’Aar quelques
vestiges de l’importante ville de Vindonisse [4297] . Depuis les
sources du Rhin jusqu’à son confluent avec le Mein et la Moselle, les
formidables essaims allemands occupaient les deux bords du fleuve par le droit
de possession ancienne ou de victoire récente. Ils s’étaient répandus dans les
provinces connues aujourd’hui sous les noms d’Alsace et de Lorraine, et
l’invasion du royaume de Cologne appela le prince salien au secours de ses
alliés les Francs ripuaires. Clovis attaqua les Allemands dans la plaine de
Tolbiac, à vingt-quatre milles environ de Cologne ; et les deux plus
belliqueuses nations de la Germanie s’animèrent au combat par la mémoire de
leurs exploits passés et par l’espérance de leur grandeur future. Après une
résistance opiniâtre, les Francs cédèrent, et les Allemands, poussant des cris
de victoire, les poursuivirent, avec impétuosité ; mais le génie, la valeur et
peut-être la piété de Clovis rétablirent le combat, et l’évènement de cette
sanglante journée décida pour toujours de quel côté serait l’empire ou la
servitude. Le dernier roi des Allemands perdit la vie sur le champ de bataille
; ses sujets furent poursuivis et raillés en pièces jusqu’à ce que, mettant bas
les armes, ils implorèrent la clémence du vainqueur. Le défaut de discipline
leur ôtait les moyens de se rallier ; ils avaient détruit dédaigneusement les
murs et les fortifications qui auraient pu leur servir d’asile ; et l’ennemi,
qui ne leur cédait ni en valeur ni en activité, les suivit jusqu’ai fond de
leurs forêts. Le grand Théodoric félicita de ses succès le victorieux Clovis,
dont il avait récemment épousé la sœur Alboflède ; mais il intercéda avec
douceur auprès de son frère en faveur des suppliants et des fugitifs qui
avaient imploré sa protection. Le conquérant s’empara des territoires de la
Gaule occupés par les Allemands ; et cette fière nation, toujours invincible
aux armes des Romains ou rebelle à leur pouvoir, reconnut la souveraineté des
rois mérovingiens, dont la bonté lui permit de conserver ses usages et ses
institutions particulières sous le gouvernement de ducs d’abord amovibles, et
dans la suite héréditaires. Après la conquête des provinces occidentales, les
Francs conservèrent seuls leur ancien établissement au-delà du Rhin. Ils
conquirent et civilisèrent peu à peu un pays épuisé, jusqu’à l’Elbe et aux
montagnes de la Bohême, et la soumission de la Germanie assura la paix de
l’Europe [4298] .
Clovis adora, jusqu’à l’âge de trente ans, les dieux de ses
ancêtres [4299] .
Ses doutes ou son indifférence pour le christianisme pouvaient lui permettre de
piller avec moins de scrupule les églises d’une nation ennemie ; mais ses
sujets de la Gaule jouirent du libre exercice de leur religion, et les évêques
conçurent un espoir plus favorable de l’idolâtre que des hérétiques. Le prince
mérovingien avait trouvé le bonheur dans son union avec la belle Clotilde,
nièce du roi de Bourgogne. Élevée dans la foi catholique au milieu d’une cour
arienne, son intérêt
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