Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
et son devoir [4300] lui ordonnaient également de travailler, à la conversion d’un époux païen et la
voix de l’amour disposa peu à peu Clovis à écouter celle de la religion. Il
consentit à faire baptiser son fils aîné ; mais cette clause avait été peut-être
stipulée avant son mariage. Quoique la mort subite de ce jeune prince eût
excité quelques craintes superstitieuses, Clovis se laissa cependant persuader
de répéter sur son second fils cette dangereuse expérience. A la bataille de
Tolbiac, au moment du péril, il invoqua à faute voix le Dieu de Clotilde et des
chrétiens. La victoire le disposa à écouter avec une respectueuse
reconnaissance les éloquents discours [4301] où saint Remi [4302] ,
évêque de Reims, lui développait d’une manière évidente les avantages, soit
temporels, soit spirituels, qu’il devait retirer de sa conversion. Le roi
déclara qu’il était convaincu de la vérité de la religion catholique. Soit
conviction, soit fidélité, à leur souverain, les Francs se montrèrent disposés
à suivre leur magnanime général aux fonts baptismaux comme sur le champ de
bataille, et leurs acclamations firent disparaître les motifs qui auraient pu
différer la publicité de sa conversion. La cérémonie eut lieu dans la
cathédrale de Reims avec toute la magnificence et la solennité capable de
frapper l’esprit grossier de ces nouveaux prosélytes d’un profond sentiment de
respect pour la religion [4303] .
Le nouveau Constantin fut baptisé sur-le-champ avec trois mille de ses
belliqueux sujets. Leur exemple fut imité par le reste des dociles Barbares ,
qui, d’après les ordres du prélat victorieux, adorèrent la croix qu’ils avaient
brûlée, et brûlèrent les idoles qu’ils avaient adorées [4304] . L’imagination
de Clovis était susceptible d’une, ferveur passagère ; le récit pathétique de
la passion et de la mort de Jésus-Christ excita sa colère ; et au lieu de
réfléchir aux suites salutaires de ce mystérieux sacrifice, transporté d’une
fureur inconvenante : Que n’étais-je là , s’écria-t-il, à la tête
de mes braves Francs ! j’aurais vengé son injure [4305] . Mais le
conquérant sauvage des Gaules était incapable d’examiner une religion dont les
preuves exigeaient une recherche longue et pénible de faits historiques et de
théologie spéculative. Il pouvait encore moins goûter la modération des
préceptes de l’Évangile, qui persuadent et purifient l’âme d’un prosélyte
sincèrement converti. Son règne fut une violation continuelle des lois du
christianisme et de l’humanité. Il fit couler le sang durant la paix, comme
durant la guerre ; et Clovis, au moment où il venait de congédier un synode de
l’Église gallicane, fit assassiner de sang-froid tous les princes mérovingiens [4306] . Cependant le
roi des Francs pouvait adorer sincèrement le Dieu des chrétiens comme un être
plus excellent et plus puissant que ses divinités nationales ; la délivrance
signalée et la victoire de Tolbiac avaient confirmé sa confiance dans le Dieu
des armées. Saint, Martin avait acquis un grand crédit dans l’Occident par la
renommée des miracles que son sépulcre opérait continuellement à Tours ; il
accorda visiblement ou invisiblement, sa protection à un prince orthodoxe et
libéral ; et, quoique Clovis ait dit lui-même que saint Martin était un allié
un peu cher [4307] ,
cette observation ne venait d’aucun doute durable ou raisonné. La terre se
félicita, comme le ciel, de la conversion des Francs. En sortant des fonts
baptismaux, Clovis se trouva le seul des rois chrétiens qui méritât le nom et
les prérogatives de catholique. L’empereur Anastase avait adopté quelques
dangereuses erreurs relatives à la nature de la divine incarnation, et les
Barbares de l’Italie, de l’Espagne, de l’Afrique et de la Gaule, étaient imbus
de l’hérésie d’Arius. Le fils aîné, ou plutôt le fils unique de l’Église, fut
reconnu par le clergé comme son souverain légitime et son glorieux libérateur ;
et l’ambition de Clovis trouva de grands secours dans le zèle et l’attachement
du parti catholique [4308] .
Sous l’empire des Romains, l’opulence et la juridiction des
évêques, leur caractère sacré, leur office inamovible, leurs nombreux
subordonnés, leur éloquence populaire et leurs assemblées provinciales, les
rendaient toujours très considérables et souvent dangereux. Les progrès de
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