Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
ville d’Arles ; et par un privilège particulier que le roi de Perse lui-même
n’avait pu obtenir, la monnaie d’or, frappée à leur coin et à leur image fut
légalement reçue dans toutes les provinces de l’empire [4334] . Un historien
grec de ce temps a loué les vertus publiques et privées des Francs avec un
enthousiasme dont on ne trouve point la justification dans leurs annales [4335] . Il célèbre
leur politesse et leur urbanité, la régularité de leur gouvernement et la
pureté de leur religion, et assure hardiment que l’on ne pouvait distinguer ces
Barbares des sujets de Rome que par le langage et l’habillement. Peut-être les
Francs annonçaient-ils déjà ces dispositions sociales, ces grâces et cette
vivacité qui, dans tous les siècles, ont déguisé leurs vices et souvent caché
leur mérite réel. Peut-être Agathias et les Grecs furent-ils éblouis par les
succès rapides de leurs armes et par l’éclat de leur empire. Depuis la conquête
de la Bourgogne, toute la Gaule, en exceptant la province de Septimanie occupée
par les Goths, obéissait aux fils de Clovis. Ils avaient envahi le royaume de
Thuringe, et leur puissance indéfinie s’étendait au-delà du Rhin jusque dans
le cœur des forêts, leur premier séjour. Les Allemands et les Bavarois, établis
dans les provinces romaines de la Rhétie et de la Norique au sud du Danube, se
reconnaissaient humblement les vassaux des Francs, et la faible barrière des
Alpes était incapable de résister à leur ambition. Lorsque celui des fils de
Clovis qui survécût à ses frères, réunit l’héritage et les conquêtes des
Mérovingiens, son royaume s’étendait de beaucoup par delà les limites de la
France moderne : tels ont été cependant les progrès des arts et de la
politique, que la France moderne surpasse de beaucoup en richesse, en puissance
et en population, les vastes mais sauvages États de Clotaire et de Dagobert [4336] .
Les Francs ou Français sont le seul peuple de l’Europe dont
l’origine remonte, par une succession suivie, jusqu’aux conquérants de l’empire
d’Occident ; mais la conquête de la Gaule fut suivie de dix siècles d’ignorance
et d’anarchie. A la renaissance des lettres, les étudiants qui avaient été
formés dans les écoles de Rome ou d’Athènes dédaignèrent leurs ancêtres
barbares, et il fallut de grands travaux et beaucoup de temps pour rassembler
des matériaux qui pussent satisfaire ou exciter la curiosité des siècles les
plus éclairés [4337] .
Enfin l’œil de la critique et de la philosophie, se dirigea sur les antiquités
de la France ; mais les philosophes eux-mêmes n’ont pas été exempts de
passions et de préjugés. On a témérairement inventé et défendu avec opiniâtreté
les systèmes les plus opposés et les plus exclusifs sur la servitude
personnelle des Gaulois, ou leur alliance égale et volontaire avec les Francs.
Les deux partis se sont accusés mutuellement de conspirer contre les
prérogatives de la couronne et la dignité des nobles, ou contre la liberté des
peuples. Cependant cette controverse a exercé utilement le génie et
l’érudition, et chaque antagoniste, alternativement vainqueur ou vaincu,
dissipait quelques anciennes erreurs et établissait quelques vérités
intéressantes. Un étranger impartial, instruit par leurs découvertes, par
leurs disputes, et même par leurs fautes, peut, avec le secours de ces
matériaux, présenter l’état des habitants romains de la Gaulle après la
conquête de cette contrée par les rois mérovingiens [4338] .
La société humaine, même dans l’état le plus servile ou le
plus grossier, ne peut subsister sans quelques règles générales et positives.
Tacite, dans la simplicité primitive des Germains, avait découvert quelques
maximes ou coutumes permanentes relatives à la vie publique et privée, qui se
conservèrent par tradition jusqu’au temps ou ils acquirent l’usage de
l’écriture et de la langue romaine [4339] .
Avant l’élection des rois mérovingiens, la plus puissante nation ou tribu des
Francs nomma quatre de ses chefs les plus âgés pour composer les .lois saliques [4340] . Le peuple
revit et approuva leurs travaux dans trois assemblées successives. Après avoir
reçu le baptême, Clovis réforma différents articles qui paraissaient
incompatibles avec le christianisme : ses fils corrigèrent encore la loi
salique ; et Dagobert en fit réviser et publier
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