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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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remarquer sans surprise et sans scandale que
l’introduction, ou au moins l’abus du christianisme, eut quelque influencé sur
le déclin et sur la chute de l’empire des Romains. Le clergé prêchait avec
succès la doctrine de la patience et de la pusillanimité. Les vertus actives qui
soutiennent la société étaient découragées, et les derniers débris de l’esprit
militaire s’ensevelissaient dans les cloîtres. On consacrait sans scrupule aux
usages de la charité ou de la dévotion une grande partie des richesses du
public et des particuliers ; et la paye des soldats était prodiguée à une
multitude oisive des deux sexes qui n’avait d’autres vertus que celles de
l’abstinence et de la chasteté. La foi, le zèle, la curiosité et les passions
plus mondaines de l’ambition et de l’envie, enflammaient les discordes
théologiques. L’Église et l’État furent déchirés par des factions religieuses
dont les querelles étaient quelquefois sanglantes et toujours implacables.
L’attention des empereurs abandonna les camps pour s’occuper des synodes. Une
nouvelle espèce de tyrannie opprima le monde romain, et les sectes persécutées
devinrent en secret ennemies de leur patrie. Cependant l’esprit de parti,
quoique absurde et pernicieux, tend à réunir les hommes aussi bien qu’à les
diviser : les évêques faisaient retentir dix-huit cents chaires des
préceptes d’une soumission passive à l’autorité d’un souverain orthodoxe et
légitime ; leurs fréquentes assemblées et leur continuelle correspondance
maintenaient l’union des Églises éloignées, et l’alliance spirituelle des
catholiques soutenait l’influence bienfaisante de l’Évangile, qu’elle
resserrait à la vérité dans d’étroites limites. Un siècle servile et efféminé
adopta facilement la sainte indolence de la vie monastique ; mais, si la
superstition n’eût pas ouvert cet asile, les lâches Romains auraient déserté
l’étendard de la république par des motifs plus condamnables. On obéit sans
peine à des préceptes religieux qui encouragent et sanctifient l’inclination
des prosélytes ; mais on peut suivre et admirer la véritable influence du
christianisme dans les effets salutaires, quoique imparfaits, qu’il produisit
sur les Barbares du Nord. Si la conversion de Constantin précipita la décadence
de l’empire, sa religion victorieuse rompit du moins la violence de la chute en
adoucissant la férocité des conquérants.
    Cette effrayante révolution peut s’appliquer utilement à
l’instruction de notre siècle : un patriote doit sans doute préférer et
chercher exclusivement l’intérêt et la gloire de son pays natal ; mais il
est permis à un philosophe d’étendre ses vues, et de considérer l’Europe
entière comme une grande république, dont tous les habitants ont atteint à peu
près au même degré de culture et de perfection. La prépondérance continuera de
passer successivement d’une puissance à l’autre, et la prospérité de notre
patrie ou des royaumes voisins peut alternativement s’accroître ou diminuer ;
mais ces faibles, révolutions, n’influeront pas à un certain point sur le
bonheur général ; elles ne détruiront point le système d’arts, de lois et de
mœurs, qui distinguent si avantageusement les Européens et leurs colonies des
autres nations de la terre. Les peuples sauvages sont les ennemis communs de
toutes les sociétés civilisées ; nous pouvons examiner avec quelque inquiétude
et quelque curiosité si l’Europe est exposée à craindre encore une répétition
des calamités qui renversèrent l’empire de Rome et anéantirent ses institutions
: les mêmes réflexions serviront peut-être à expliquer des causes qui
contribuèrent à la ruine de ce puissant empire, et celles qui motivent
aujourd’hui notre sécurité.
    I . Les Romains ignoraient l’étendue de leur danger et
le nombre de leurs ennemis. Au-delà du Danube et su Rhin, les pays
septentrionaux de l’Europe et de l’Asie étaient remplis d’innombrables tribus de
pâtres et de chasseurs, pauvres, voraces et turbulents, hardis les armes à la
main, et avides de s’emparer des fruits de l’industrie. La rapide impulsion de
la guerre se fit sentir dans tout le monde barbare, et les révolutions de la
Chine entraînèrent celles de la Gaule et de l’Italie. Les Huns, fuyant devant
un ennemi victorieux, dirigèrent leur marche vers l’Occident, et le

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