Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
plus simples de ces énoncés vrais ou faux, ou jugements (α̉ξιώματα), sont composés d ’ un sujet exprimé par un substantif ou un pronom et d ’ un attribut exprimé par un verbe. L ’ attribut (καταγόρημα), à lui, seul, est un exprimable incomplet qui demande un sujet comme : se promène. L ’ ensemble du sujet et de l ’ attribut : Socrate se promène, forme un exprimable complet (αυ̉τοτελές), ou jugement simple [425] .
Le type des propositions employées par les Stoïciens n ’ a rien de commun avec celui de la logique platonico-aristotélicienne ; elles n ’ expriment point de rapport entre des concepts ; leur sujet est toujours singulier, qu ’ il soit d ’ ailleurs défini ( celui-ci ) , indéfini ( quelqu ’ un ) ou à demi défini ( Socrate ) ; l ’ attribut est toujours un verbe, c ’ est-à-dire quelque chose qui arrive au sujet. La logique stoïcienne échappe ainsi à toutes les difficultés que soulevaient sophistes et socratiques sur la possibilité d ’ affirmer une chose d ’ une autre, et ignorant, avec la compréhension et l ’ extension des concepts, la convertibilité des propositions, elle laisse tomber le mécanisme compliqué de la syllogistique aristotélicienne. La matière de la dialectique, ce sont des faits énoncés de sujets singuliers.
Ce n ’ est pas qu ’ ils ne gardent, eux aussi, le syllogisme ; mais la raison de la conclusion n ’ est plus un rapport d ’ inclusion de concepts exprimé par un jugement catégorique, mais un rapport entre des faits dont chacun est exprimé par une proposition simple ( il fait clair, il fait jour ) et dont le rapport p.305 est exprimé par un jugement composé (ου̉χ απλά α̉ξιώματα), tel que : s ’ il fait clair, il fait jour. Les Stoïciens connaissent cinq espèces de jugements composés : l ’ hypothétique (συνημμένον) , exprimant un rapport entre un antécédent et un conséquent, tel que celui que nous venons de citer ; le conjonctif qui lie les faits : et il fait jour et il fait clair ; le disjonctif qui les sépare de telle manière que l ’ un ou l ’ autre est vrai : ou bien il fait jour ou bien il fait nuit ; le causal qui lie les faits par la conjonction parce que : parce qu ’ il fait jour, il fait clair ; le jugement énonçant le plus ou le moins, tel que : il fait plus (ou moins) jour qu ’ il ne fait nuit.
La majeure d ’ un syllogisme est toujours une proposition composée de ce genre, par exemple : s ’ il fait jour il fait clair, la mineure énonce la vérité du conséquent : il fait jour, et la conclusion en tire la vérité de l ’ antécédent : donc il fait clair ; c ’ est du moins là le premier des cinq modes ou figures de syllogismes irréductibles ou indémontrables que reconnaît Chrysippe, d ’ après Dioclès [426] . Le second a comme majeure une hypothétique : s ’ il fait jour, il fait clair, comme mineure l ’ opposé du conséquent : or il fait nuit, et comme conclusion la négation de l ’ antécédent : donc il ne fait pas jour. Le troisième a pour majeure la négation d ’ un jugement conjonctif ; il n ’ est pas vrai que Platon soit mort et qu ’ il soit vivant, comme mineure la vérité d ’ un des faits : or Platon est mort, comme conclusion la négation de l ’ autre : donc Platon n ’ est pas vivant. Le quatrième a pour majeure un disjonctif : ou il fait jour ou il fait nuit, pour mineure l ’ affirmation d ’ un des membres : il fait jour, et pour conclusion l ’ opposé de l ’ autre : donc il ne fait pas nuit. Inversement le cinquième, qui part aussi d ’ un disjonctif, nie un des membres dans la mineure : il ne fait pas nuit, et conclut l ’ autre : donc il fait jour : A ces modes indémontrables, s ’ ajoutent des modes composés ou thèmes (θέματα), qui en p.306 dérivent, tels que le raisonnement composé : Si A est, B est ; si B est, C est, etc. ; or C est, donc A est.
On voit facilement l ’ arbitraire de ces deux classements des jugements et des syllogismes, fondés l ’ un et l ’ autre sur le langage ; aussi bien Crinis, un élève de Chrysippe, admet six espèces de jugements composés au lieu de cinq ; et si Dioclès nous dit que Chrysippe reconnaissait cinq syllogismes indémontrables, Galien ne lui en attribue que trois.
A vrai dire l ’ intérêt de cette dialectique n ’ est pas dans ce
Weitere Kostenlose Bücher