Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
Vom Netzwerk:
il a conçu le plan dans sa pensée ; la vertu du sage n’est ni cette assimilation à Dieu que rêvait Platon, ni cette simple vertu civique et politique que peignait Aristote ; elle est l’acceptation de l’œuvre divine et la collaboration p.298 à cette œuvre grâce à l’intelligence qu’en prend le sage.
    C’est là l’idée sémitique du Dieu tout-puissant gouvernant la destinée des hommes et des choses, si différente de la conception hellénique. Zénon le Phénicien va donner le ton à l’hellénisme. Sans doute ce n’est pas une importation brusque dans la pensée grecque ; le Dieu de Platon dans le Timée est un démiurge, celui des Lois s’occupe de l’homme et dirige l’univers dans tous ses détails ; et le Dieu du Socrate de Xénophon qui a donné aux hommes leurs sens, leurs inclinations et leur intelligence, les guide encore par les oracles et la divination. Ainsi le thème démiurgique et providentialiste s’annonçait déjà ; mais avec Zénon, il devient la pièce maîtresse de la philosophie. Nous verrons, dans la suite de cette histoire, ces deux conceptions, sémite et hellénique, tantôt tendre à fusionner, tantôt s’affronter dans la pleine conscience de leur divergence ; et peut-être trouverons-nous, sous les diverses formes que prend leur conflit jusqu’à l’époque contemporaine, une des oppositions les plus profondes de la nature humaine.
     
    IV. — LE RATIONALISME STOÏCIEN
    @
    A ce thème fondamental se subordonne le reste de la doctrine ; Zénon est avant tout le prophète du Logos, et la philosophie n’est que la conscience que l’on prend que rien ne lui résiste ou plutôt que rien n’existe à part lui ; c’est « la science des choses divines et humaines », c’est-à-dire de tout ce qu’il y a d’êtres raisonnables, c’est-à-dire de toutes choses, puisque la nature est elle-même absorbée dans les choses divines. Sa tâche est dès lors toute tracée, et, qu’il s’agisse de la logique et de la théorie de la connaissance ou de la morale, de physique ou de psychologie, elle consiste dans tous les cas à éliminer l’irrationnel et à ne plus voir agir, dans la nature comme dans la conduite, que la pure raison. Mais ce rationalisme du Logos p.299 ne doit pas faire illusion ; il n’est en aucune manière le successeur du rationalisme de l’intelligence ou intellectualisme de Socrate, Platon et Aristote ; cet intellectualisme avait toute sa réalité dans une méthode dialectique qui permettait de dépasser la donnée sensible pour atteindre les formes ou essences parentes de l’intelligence. Nul procédé méthodique de ce genre dans le dogmatisme stoïcien ; il ne s’agit plus d’éliminer la donnée immédiate et sensible, mais tout au contraire de voir la Raison y prendre corps ; nul progrès ne mène du sensible au rationnel, puisqu’il n’y a pas de différence de l’un à l’autre ; là où Platon accumule des différences pour nous faire sortir de la caverne, le Stoïcien ne voit que des identités. Comme, dans les mythes grecs, les légendes des dieux restent extérieures à l’histoire des hommes, tandis que, dans la Bible, l’histoire humaine est elle-même un drame divin, ainsi, dans le platonisme, l’intelligible est en dehors du sensible, tandis que, pour le stoïcisme, c’est dans les choses sensibles que la Raison acquiert la plénitude de sa réalité.
    De là la solidarité nécessaire des trois parties de la philosophie, logique, physique et éthique, dans lesquelles, à l’exemple des Platoniciens, ils distribuent les problèmes philosophiques. Bien loin en effet que, chez eux, chacune de ces parties puisse garder, grâce à la diversité de leur objet, une certaine autonomie (si bien que la morale par exemple, chez Aristote, peut dégénérer en une sorte de description des caractères, indépendante du reste de la philosophie), elles sont au contraire indissolublement liées, puisque c’est une seule et même raison, qui, dans la dialectique, enchaîne les propositions conséquentes aux antécédentes, dans la nature lie ensemble toutes les causes, et dans la conduite établit entre les actes le parfait accord. Il est impossible que l’homme de bien ne soit pas le physicien et le dialecticien ; il est impossible de réaliser la rationalité séparément en ces trois domaines, et, par exemple, de saisir entièrement la raison dans la marche des événements de p.300 l ’ univers, sans

Weitere Kostenlose Bücher